Accueil du jeune enfant : faute d’un "pilotage politique coordonné", l’offre ne répond pas aux demandes des familles (Cour des comptes)
Paru dans Petite enfance le lundi 16 décembre 2024.
Mots clés : petite enfance, accueil, crèches
La Cour des comptes vient de publier un rapport consacré à la politique d’accueil du jeune enfant dans lequel elle vise à en identifier les difficultés et formule des recommandations. Est notamment pointée l’insuffisance de coordination entre les offres, nombreuses et mal connues, ce qui contribue au renforcement des inégalités territoriales en termes d’accès aux places d’accueil.
29% des parents sans place d’accueil ni aide
De multiples dispositifs existent pour l'accueil et la garde des jeunes enfants - les enfants de moins de 3 ans étant 2,17 millions (janvier 2023). La réforme du complément de libre choix du mode garde, en préparation pour rapprocher le reste à charge résultant d’un accueil chez une assistante maternelle de celui résultant d’un accueil en crèche, atténuera cette inégalité d’accès.
Certains dispositifs financent directement des établissements d’accueil du jeune enfant (notamment les crèches bénéficiant de de la prestation de service unique), d’autres soutiennent les familles par des aides (comme le complément de libre choix du mode de garde qui permet aux parents de s’orienter vers les micro-crèches dites "Paje") ou par des crédits d’impôt. Aussi, des écoles accueillent des enfants à partir de 2 ans (la préscolarisation), et la prestation partagée d’éducation (Prepare) indemnise les parents qui réduisent ou interrompent leur activité professionnelle.
Au total, ces financements ont représenté 16,1 Md€ en 2022, partagés entre la branche famille de la sécurité sociale (59%), les collectivités territoriales (17%) et l’Etat (13%), le reste étant à la charge des familles (moins de 8%) et des employeurs (3%).
Fin 2022, le taux de couverture de places d’accueil formel était de 60,3%. 11% des parents étaient indemnisés par la Prepare, "tandis que 29% ne bénéficiaient ni de place d’accueil, ni d’aide".
Des inégalités territoriales en hausse
Le rapport pointe les inégalités territoriales des politiques d’accueil du jeune enfant, avec un cinquième des familles dont la demande reste insatisfaite. Les causes : "un manque global d’offre d’accueil, qui se double d’une meilleure couverture des territoires à plus haut niveau de vie, notamment en structure d’accueil collectif, tandis que ceux à niveau de vie plus faible bénéficient davantage d’une offre d’accueil individuel".
Cette situation résulte d’une progression de l’offre "portée par le secteur marchand, qui développe notamment des ‘micro-crèches Paje’". Celles-ci se développent moins vite dans les territoires plus pauvres et ruraux que dans les territoires "où la demande solvable des familles est plus élevée". Pour rééquilibrer l’offre, la Cour préconise de renforcer "la part des financement publics modulés selon le taux de couverture et la richesse du territoire".
Par ailleurs, "la complexité du système freine l’accès des familles socialement et culturellement défavorisées", met en évidence le rapport. L’équité n’est pas non plus assurée entre les familles en raison d’un "manque de transparence" dans les processus d’attribution des places.
Un manque de pilotage coordonné et une offre complexe
La pénurie de professionnels, à laquelle s’ajoute "la coexistence de cadres réglementaires aux exigences parfois incohérentes avec le développement de l’offre, notamment des accueils en petits collectifs, maisons d’assistances maternelles et ‘micro-crèches Paje’, contraint l’amélioration des modes d’accueil". La Cour estime insuffisants les contrôles sur les critères de qualité, ceux-ci devant permettre de mieux définir les financements alloués à l’accueil du jeune enfant.
Le rapport souligne la "grande complexité" de la politique de l’accueil, avec des acteurs et des offres très diverses, et une coordination insuffisante entre les niveaux national et local, "qui affect(e) la lisibilité des actions conduites et l’évaluation des résultats atteints". L’offre et la demande d’accueil du jeune enfant restent ainsi insuffisamment connues, "tant sur le plan quantitatif que qualitatif".
La Cour préconise de favoriser davantage l'accueil par les assistantes maternelles. Les familles modestes y ont moins recours car le reste à charge est plus important que pour les crèches financées par la prestation à service unique, mais celles-ci pèsent plus lourd sur le budget de l'Etat. "La réforme du complément de libre choix du mode garde, en préparation pour rapprocher le reste à charge résultant d’un accueil chez une assistante maternelle de celui résultant d’un accueil en crèche, atténuera cette inégalité d’accès", estime la Cour.
Le rapport ici.
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