Ecoles Steiner : Une enquête documentée sur Grégoire Perra, "lanceur d’alerte auto-proclamé" (Brice Perrier)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire, Justice le mercredi 18 décembre 2024.
Grégoire Perra se présente comme un lanceur d’alerte. "Il est l'un des principaux critiques de l'anthroposophie en France, adoptant une position d'apostat, et militant pour une reconnaissance de la 'dérive sectaire' du mouvement et de l'endoctrinement qui serait dissimulé via les écoles Steiner", indique sa page Wikipedia. Les écoles Steiner-Waldorf s’inspirent de la pédagogie développée par Rudolf Steiner, le fondateur de la doctrine ésotérique de l’anthroposophie.
La réputation de Grégoire Perra a été passée au crible par le journaliste Brice Perrier. Fondateur de la lettre d'information sur la science et la santé Raison sensible, il s'est attaché à dénoncer les manquements à la rationalité, y compris chez certains de ceux qui se présentent comme du parti de la raison. Son travail d'enquête a été publié, en 6 épisodes, sur son site. L'enquête, intitulée "Un gourou au coeur de la lutte anti-secte", expose les contradictions des discours de G. Perra lui-même et de ses soutiens. Se fondant sur une importante documentation, le journaliste revient sur le parcours de celui qu’il désigne comme un "lanceur d’alerte auto-proclamé".
Le journaliste insiste : "Cette enquête n’a pas pour objet l’anthroposophie ou les écoles Steiner et ne cherche pas à rétablir la vérité sur ces dernières. Elle traite simplement de ce phénomène de mésinformation que constitue Grégoire Perra, à travers l’influence qu’il a exercée." L’objet de l’enquête est clair. Comme l’écrit son auteur : il ne s’agit pas de "défendre l’anthroposophie ou les écoles Steiner, sur lesquelles (il) ne porter(a) pas d’avis. (Il s)’attache seulement à mettre en lumière comment un témoignage a pu devenir la référence d’autorités et d’organismes incarnant la lutte contre les sectes en France, alors qu’il repose sur la vision très personnelle d’un individu dont le parcours et le discours apparaissent discutables."
Brice Perrier, s’appuyant sur des témoignages et de la documentation, montre comment Grégoire Perra est devenu une référence incontestée et incontestable, sans que son discours soit jamais mis en doute. Pour lui, l'affaire relève du cas d'école. Il y voit "une exceptionnelle démonstration de biais de confirmation, car (G. Perra) a su tenir un discours qui confortait des opinions ou des préjugés. A la Miviludes comme à l’UNADFI et dans la sphère sceptique, sa dénonciation catastrophiste et paranoïaque de l’anthroposophie a manifestement été bienvenue car elle permettait de s’en prendre à un mouvement et à des écoles censés incarner une irrationalité perçue comme dangereuse. Par 'rationalisme', et crainte ou hostilité pour l’ésotérisme, on était visiblement prêt à croire aux invraisemblances les plus criantes (...) proféré(e)s par un lanceur d’alerte autoproclamé, inscrit dans le combat contre les dérives sectaires."
Ancien élève puis enseignant dans une école Steiner, également professeur de philosophie dans l'enseignement public, Grégoire Perra a d'abord été un adepte fervent de l'anthroposophie. Brice Perrier rapporte dans son enquête que l'enseignant a démissionné de son poste à l'école Steiner de Chatou à la suite d'accusations d'attouchements sur une élève mineure et d'une tentative de baiser forcé sur une jeune enseignante. A la suite de cet événement, Grégoire Perra est resté encore quelques années dans le mouvement avant de s'en écarter et d'en devenir le véhément procureur. Il accuse les écoles Steiner d'être les vitrines d'une secte, de faciliter des relations sexuelles entre adultes et enfants, d'obliger les enfants à manger leurs excréments...
Selon Brice Perrier, "hormis Perra, seul un jeune homme a témoigné en France à visage découvert pour dénoncer les écoles Steiner en tant qu’ancien élève". G. Perra invoque l'existence d'une association des victimes des écoles Steiner et de l’anthroposophie, CAVESA dont ToutEduc a consulté le site (ici) et a trouvé trois témoignages, anonymes (seuls figurent les prénoms) d'une enseignante, de parents et d'un ancien élève qui dénoncent une pédagogie inadaptée, défaillante, mais pas d'actes contraires à la légalité ou aux bonnes moeurs, ou relevant de la maltraitance.
Cela n'empêche pas, continue Brice Perrier, que le "lanceur d'alerte" est pris très au sérieux par plusieurs médias, à commencer par le Monde diplomatique, et par la MIVILUDES (Mission interministérielle de lutte contre les dérives sectaires, voir Tout Educ ici) et l'UNADFI (l'Union nationale des associations de défense des familles et de l’individu victimes de sectes). Des plaintes ont été déposées contre lui mais la Justice l'a relaxé à chaque fois. "Fort de ces relaxes, le témoignage de Perra semble authentifié par la justice. Or elle l'a seulement inscrit et légitimé dans un débat d'intérêt général".
Si la présentation des faits rapportés par notre confrère semble solide, ToutEduc n’a pas eu la possibilité de recouper l’ensemble des informations et invite donc ses lecteur.rices à se faire une opinion par eux.elles-mêmes.
Lire l’enquête ici, voir aussi ToutEduc ici
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