Revaloriser "l'intelligence manuelle" dans le système éducatif (G. Legeret)
Paru dans Scolaire le mercredi 04 décembre 2024.
Mots clés : De l'or entre les mains, manuel, artisans
L’association De l’or dans les mains, créée en 2021, vise à remettre "l’intelligence manuelle" au cœur du système éducatif. En plus d’ateliers organisés dans des collèges, cette association qui a reçu l’agrément de l’Education nationale mène un travail de plaidoyer auprès des pouvoirs publics et de l’opinion pour alerter sur l’importance de revaloriser l’apprentissage manuel dans les cursus scolaires. ToutEduc s’est entretenu avec Gabrielle Legeret, directrice générale et fondatrice.
ToutEduc – Pourquoi avoir fondé l’association De l’or dans les mains ?
Gabrielle Legeret – L’association a été créée face au constat d’une absence totale de pratique manuelle dans l’enseignement scolaire. Au-delà même de la question de l’orientation, c’est un enjeu d’apprentissage et de réussite éducative. Les savoirs fondamentaux peuvent être nourris par des apprentissages moins académiques et plus expérimentaux. Il s’agit aussi de redonner de la place à l’intelligence manuelle et de valoriser les enfants autrement que par l’acquisition de savoirs scolaires. S’agissant de l’orientation, comment peut-on faire comprendre à un jeune qui va en CAP que ce n’est pas une orientation subie alors que les compétences manuelles ne sont aujourd’hui ni valorisées, ni même évaluées au même titre que le sont les mathématiques ? Si elles étaient évaluées et considérées, la dichotomie manuel/théorie diminuerait, de même que la hiérarchisation des savoirs. Nous sommes convaincus que passer par l’expérimentation et la manipulation ferait baisser le nombre d’élèves en échec scolaire. Par ailleurs, le manque d’apprentissage manuel conduit à un manque de développement de la motricité. Aujourd’hui, de plus en plus d’enfants ont des difficultés à tenir un stylo ou des ciseaux par exemple. Cette situation est aussi liée à la surexposition aux écrans, et c’est un fléau. Notre mission est donc de réintégrer le manuel à l’école.
ToutEduc – Que met en place votre association ?
Gabrielle Legeret – Nous déployons des programmes pédagogiques dans les collèges qui permettent à des artisans d’animer des ateliers durant lesquels ils font fabriquer un objet aux élèves ou leur apprennent un geste. Si un tailleur de pierre vient, les jeunes seront initiés au traçage de lignes. Ces ateliers sont toujours mis en lien avec les programmes scolaires. Par exemple, dans le cas de la confection d’une céramique, la question du passage du liquide au solide est abordée, en lien avec leurs cours de chimie. Le programme est d’une durée de 15h, composé de neuf ateliers d’une heure chacun, qui correspondent à la découverte de neuf métiers, de temps en classe pour construire le lien avec les enseignements scolaires, et de temps d’échange.
ToutEduc – Combien d’élèves ont participé à ces programmes ?
Gabrielle Legeret – Chaque année, 3 000 jeunes, répartis dans une trentaine de collèges, sont concernés. Nous sommes maintenant implantés dans neuf académies. Notre réseau est constitué de 500 artisans, formés par l’association à l’animation d’ateliers. Actuellement, 200 collèges sont sur liste d’attente, ce qui témoigne de l’intérêt du corps enseignant pour ce que nous faisons. C’est une bonne nouvelle ! De plus, nos ateliers répondent aux obligations d’instaurer des temps de découverte des métiers, qui est inscrite au programme du collège (il s’agit d’une composante du parcours Avenir, ndlr). Nous sommes également un programme d’EAC (Education artistique et culturelle). Les programmes ne représentent pas une charge financière trop lourde pour les établissements, car ces derniers peuvent mobiliser une partie de leur pass Culture (soit 20 euros par jeune). Nous nous chargeons de trouver les fonds par ailleurs, via des subventions publiques ou des fondations privées. Pour l’instant, nous intervenons seulement dans les collèges mais nous réfléchissons à élargir nos actions à l’échelle de l’élémentaire.
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Propos recueillis par P. Kempf, relus par G. Legeret