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Education à la sexualité : les militants sont à l'extrême-droite, pas dans les associations (H. Roger, Sidaction)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 03 décembre 2024.
Mots clés : Evars, sexualité, Sidaction

Sidaction a lancé le 26 novembre une campagne sur l’éducation à la sexualité. La campagne se fait via sidaxxxion.fr, "un site pédagogique à destination des jeunes pour déconstruire les clichés véhiculés par la pornographie", indique l’association.

ToutEduc s'est entretenu avec Hélène Roger, directrice "analyse et plaidoyer" à Sidaction, au sujet de cette campagne dans un contexte de débats autour du prochain programme d'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (voir TE ici, ici, ici et ici).

ToutEduc - Pourquoi avoir lancé une campagne sur l'éducation à la sexualité ?

Hélène Roger - Nous sommes beaucoup confrontés à des questions en lien avec la sexualité de la part de jeunes. Et nous constatons qu’ils n'ont pas de réponses à leurs questions. Nous réalisons un sondage IFOP tous les ans, qui révèle des tendances à la baisse en termes d’information à la vie sexuelle et de protection sexuelle chez les jeunes et les adolescents. En huit ans, le port du préservatif chez les garçons lors du dernier rapport sexuel est passé de 70% à 61%. Tout cela nous interroge et nous interpelle. Nous sommes convaincus que l'éducation à la sexualité est une réponse pour les jeunes, pour justement répondre à leurs questions.

ToutEduc - Quel est l'objectif de cette campagne ?

Hélène Roger - De rappeler que l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (Evars, ndlr) est une solution à un manque d’informations que la plupart des jeunes vont combler en allant sur Internet et sur des sites pour adultes. En France, 2,2 millions de jeunes, soit plus d'un quart des jeunes, vont sur les sites pornographiques tous les mois. A l'inverse, seuls 15% des jeunes ont accès aux 3 séances annuelles d'éducation complète à la sexualité (ces séances sont obligatoires depuis la loi de 2001, ndlr). Si ces séances avaient lieu pour 100% des jeunes, ils pourraient mettre à distance et questionner ce qui leur est dit dans la pornographie, et peut être en avoir un usage moins direct et moins fréquent. Et les jeunes auraient des réponses scientifiques, données par des personnes formées et avec des éléments concrets.

ToutEduc - L'école est-elle le meilleur endroit pour ça ?

 Hélène Roger - Oui, l'école est le meilleur endroit. Ce n'est pas le seul endroit. Bien évidemment le rôle des parents est nécessaire et n’est pas remis en question. Nous prônons d’ailleurs davantage de dialogues entre l’Education nationale et les parents sur ces cours pour qu’ils comprennent mieux ce qui y est enseigné, le cadre, les objectifs... Les parents eux-mêmes sont demandeurs. 85% des parents estiment que l'éducation à l'école est complémentaire de celle dispensée par les familles, et trois quarts pensent que l'éducation à l'école n'est pas suffisante aujourd'hui. Des parents font aussi part de leurs difficultés à aborder ces questions avec les enfants. Les adolescents eux-mêmes n'ont peut-être pas envie d'en parler avec leurs parents. D’où la nécessité de leur proposer des espaces avec des adultes de référence formés, en mesure de répondre à leurs questions, de les écouter, de les orienter vers des structures complémentaires ou vers des outils, des sites internet de référence.

ToutEduc - Que pensez-vous du projet du programme ?

Hélène Roger - Nous avons lu la première version du programme et avons eu des éléments de la dernière version. Grosso modo, nous le trouvons plutôt bien. Ce qui est surtout important est d'avoir un cadre alors qu’il n’y en a pas aujourd’hui. Les professeurs, mais aussi les parents, ont besoin de ces éléments de cadrage. Le programme est très détaillé, niveau par niveau, classe d'âge par classe d'âge. Les thèmes sont indiqués, ainsi que la manière de les aborder. Cela permet de déconstruire des mythes et des idées reçues, telle l’idée selon laquelle la sexualité serait enseignée à des enfants de 5 ans, alors que ce sujet arrive doucement en classe de 4e mais surtout au lycée. Ce programme est donc cadrant et rassurant. Il rappelle aussi que les séances se font toujours en présence du personnel de l'Education nationale, ce qui casse le mythe d’intervenants extérieurs qui diraient n'importe quoi.

ToutEduc - Que faudrait-il faire pour que les séances soient mises en place pour tous les élèves ?

Hélène Roger - Nous avons rédigé avec d’autres structures un livret blanc qui contient plusieurs dizaines de recommandations. Mais c’est avant tout une question de moyens. Il faut former les professeurs pour qu’ils soient en capacité de se saisir de ces sujets. Il faut aussi favoriser des espaces de dialogue et de réflexion avec les parents, et au sein de la communauté enseignante. C’est aussi une question de volonté politique. Ce sujet déchaîne les passions et charrie beaucoup de désinformations et de fantasmes. Ce qui met les intervenants extérieurs et les professeurs dans des situations délicates. Ils sont parfois malmenés, voire apeurés de mener ces séances d'éducation complète à la sexualité. Donc, il y a besoin d'un soutien politique fort pour permettre le déploiement de cette éducation dans de bonnes conditions.

ToutEduc - Quelle est votre réaction suite aux propos d’Alexandre Portier qui a dit le 27 novembre devant les sénateurs que le projet "en l’état n’(était) pas acceptable" ?

Hélène Roger - Nous avons été extrêmement indignés. Le ministre délégué a cédé à des pressions idéologiques de groupes de conservateurs d'extrême droite. De plus, il a utilisé des termes faux. Il n'y a pas de "théorie du genre". La séquence dans laquelle il a tenu ces propos nous a aussi choqués. Le 25 novembre se tenait la journée des violences faites aux femmes. La journée internationale de lutte contre le sida se tient le 1er décembre. Et le procès Pélicot est en cours. Son discours révèle une méconnaissance d’une réalité de terrain. Il y a un vrai besoin de recadrer. C'est d'ailleurs ce qu'a fait la ministre Anne Genetet dès le lendemain de façon claire.

Ce qui nous a aussi choqués est la mention du militantisme par le ministre délégué. Dire que le travail mené par les associations intervenant en complément de l'Éducation nationale est militant revient à dénigrer des années d'efforts en faveur de la santé publique. Et surtout, le militantisme s’observe chez les collectifs conservateurs qui affabulent sur ces séances d'éducation à la sexualité. Retrouver leur mot dans la bouche d'un ministre délégué est contradictoire, parce que ce sont ces groupes-là qui sont militants en investissant l'école par le biais de ces questions.

ToutEduc - Quelle est la suite souhaitable pour vous ?

Hélène Roger - Que le programme puisse sortir sans qu'il y ait de recul. Le recul n'est pas une option pour nous, que ce soit sur le programme ou sur la volonté de mettre en place ces séances d'éducation complètes à la sexualité. Le programme doit être mis en place au plus vite, à la rentrée 2025. Cela permettra de lutter contre tous les fantasmes et de montrer que l'information et l'éducation est une solution pour les jeunes.

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Propos recueillis par P. Kempf, relus par H. Roger

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