Des limites à l'application de la loi "majorité numérique"
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le lundi 18 novembre 2024.
Mots clés : majorité numérique, loi juillet 2023, réseaux sociaux
Le 7 juillet 2023 était promulguée une loi fixant à 15 ans la majorité numérique et visant à lutter contre la haine en ligne. Face aux risques multiples que représentent les réseaux sociaux (addiction, problème de sommeil, risque de cyberharcèlement, de désinformation, d’exposition à la pornographie, etc.), la loi a imposé de nouvelles obligations aux réseaux sociaux, tels que Tiktok, Instagram, Snapchat : interdiction d’accepter une inscription pour les jeunes de moins de 15 ans, à moins que les parents aient donné leur accord ; informer lors de l’inscription sur les risques liés aux usages numériques et sur les conditions d’utilisation des données personnelles ; permettre aux parents de suspendre le compte pour leurs enfants de moins de 15 ans ; et mettre en place un dispositif pour avertir le jeune de moins de 15 ans inscrit du temps qu'il passe en ligne.
Au moment de sa promulgation, la loi indiquait qu’il revenait aux réseaux sociaux de mettre en place une solution technique pour vérifier l’âge des utilisateurs et l’autorisation parentale. Cette solution serait "conforme à un référentiel que doit élaborer l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (Arcom), après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL)", indique la présentation du texte de loi.
Certaines plateformes, comme TikTok ou Instagram, ont déjà intégré des systèmes qui demandent aux utilisateurs de prouver leur âge avant de créer un compte, explique Murielle Cahen, avocate spécialiste en droit de l’informatique et d’internet, contactée par ToutEduc. Concrètement, lors de son inscription, un nouvel utilisateur peut être amené à télécharger une photo d’une pièce d’identité ou à utiliser un système de vérification biométrique, qui analyse des caractéristiques faciales pour confirmer l'âge. Mais ces systèmes ne sont pas "infaillibles" et les jeunes peuvent les contourner. "Un adolescent pourrait utiliser un faux document d'identité ou demander à un ami plus âgé de créer un compte en son nom, ce qui annule l'objectif de la loi", fait savoir Murielle Cahen.
Quant aux contrôles parentaux, si des plateformes proposent aux parents des outils pour surveiller ou restreindre l’activité numérique de leurs enfants (avec par exemple la configuration du compte de leur enfant afin de limiter le temps passé sur une plateforme), ils présentent eux aussi leurs limites. Pour la spécialiste du droit de l’information, des inégalités d’accès aux outils sont notamment à prendre en compte : "Un parent moins familier avec la technologie pourrait ne pas savoir comment activer les paramètres de sécurité, laissant ainsi son enfant exposé à des risques en ligne."
S’agissant du contrôle des organismes qui veillent à l’application de la loi, tels que la CNIL, des enquêtes sur des plateformes peuvent être lancées suite à des signalements ayant trait à l’âge des utilisateurs ou à la nature des contenus auxquels des jeunes ont accès. S’il y a violation de la loi, les autorités peuvent prononcer des sanctions.
Afin de renforcer l’application de la loi de juillet 2023, des décrets sont en cours d’élaboration. En premier lieu dans le but "d’établir des critères clairs sur les méthodes acceptables pour la vérification d'âge", indique Murielle Cahen qui donne en exemple un décret qui stipulerait que seules certaines formes d'identité (comme un passeport ou une carte nationale d'identité) pourraient être utilisées pour vérifier l'âge. D’autres décrets envisageables concerneraient des sanctions plus lourdes en cas de non-respect de la loi. Pour la juriste, la question de la formation est centrale afin de sensibiliser et d'éduquer les parents et les jeunes aux risques en ligne.
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