TICE: les adopter avec prudence, selon Alain Chaptal. (Owni)
Paru dans Scolaire le mercredi 15 septembre 2010.
"L’exemple tout à fait caractéristique, c’est celui de l’école du futur, qui avait été ouverte en 2006 à Philadelphie avec un fort accompagnement de Microsoft. Cet établissement, dans une zone extrêmement difficile, avait une approche complètement radicale: une pédagogie constructiviste, des portables pour tous les élèves, une infrastructure très développée, aucun livre de cours, polycopié, tout accessible en wi-fi ou par le réseau. (...) L’exemple s’est fracassé", alerte Alain Chaptal (Paris-X), dans un entretien accordé au site OWNI, dans lequel il revient, entre autres, sur les différentes expérimentations aux États-Unis, en Angleterre, mais aussi en Suède, qui n’ont pas eu le "retour" escompté.
Il rappelle que le projet pédagogique de Philadelphie "s’est heurté à la réalité du système éducatif de Philadelphie". Cette pédagogie fondée uniquement sur le projet, sans notes, n'a pas été suivie par les enseignants, recrutés sur des procédures assez classiques, "ils n’étaient donc pas spécifiquement motivés par cette pédagogie qui leur était imposée". Second point, l'expérience rentrait en conflit avec les exigences du district scolaire (qui fait obligation de tester les élèves sur des matières, de mettre des notes, de respecter les tests des états etc). "Le modèle a donc dû évoluer vers une approche beaucoup plus classique", souligne A. Chaptal, qui ajoute qu' "il y a eu de gros problèmes de management, puisque cinq directeurs se sont succédés en quatre ans et notamment les personnes charismatiques à l’origine ont disparu".
Il alerte également sur l'accent mis sur l’individualisation de l’enseignement, via les TICE: "Cela peut pouvoir dire deux choses très différentes". Une bonne chose, selon A. Chaptal, serait que chaque enseignant puisse adapter "le plus étroitement possible" son cours au style personnel d’apprentissage de chaque élève ("Ce serait formidable, c’est le rêve de l’approche socratique de l’éducation"). En Suède, nuance-t-il, on demande à l’élève de prendre en charge lui-même une acquisition de connaissance ou de faits, en utilisant des ressources disponibles dans le centre documentaire ou sur Internet. " La capacité d’autonomie des élèves étant ce qu’elle est", cette individualisation pourrait aboutir à creuser les inégalités et à baisser le niveau général, selon le chercheur. "De tels problèmes se posent déjà en Suède".