Transmettre la laïcité de plus en plus complexe ? (Table ronde organisée par la Ligue de l'enseignement, salon européen de l'Education)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le dimanche 17 novembre 2024.
Mots clés : Laïcité, Calvès, Roder, Savignac, Aurusseau
"L'Ecole n'a pas, au quotidien, de discours sur la laïcité", constate Iannis Roder. Pofesseur d'histoire dans un collège de Seine-Saint-Denis, membre du "Conseil des sages", il intervenait vendredi 15 novembre sur une table ronde organisée par la Ligue de l'enseignement dans le cadre du Salon européen de l'éducation. Si les élèves, dit-il, sont "la plupart du temps" dans l'incapacité de donner une définition simple de la laïcité, ni d'évoquer les missions de l'école, il n'est pas certain qu'il n'en aille pas de même des enseignants. Il a vécu plus d'une vingtaine de "pré-rentrée" dans le même établissement et il n'a entendu qu'une seule fois, un principal en dire quelques mots devant l'ensemble des professeurs réunis à cette occasion. On n'explique pas non plus aux parents ce qu'ils peuvent et ne peuvent pas attendre de l'Ecole.
Pour Gwenaële Calvès, directrice du DU "Laïcité et principes de la République" (U. de Cergy), la laïcité doit faire l'objet d'un enseignement. Les relations de l'Eglise et de l'Etat sont des faits historiques, "mais que savent les élèves des conditions dans lesquelles Molière fut inhumé ?" La laïcité est également un fait juridique qui va bien au-delà de la loi de 2004 sur le port de signes ostensibles, et qui doit faire l'objet d'un enseignement. La laïcité fait aussi l'objet d'une éducation, de la transmission de valeurs qu'il s'agit de faire partager, ce qui suppose que les personnels de l'Education nationale les incarnent par leurs attitudes. "Tous les adultes ont un devoir d'exemplarité."
Mais au moins deux intervenants, Iannis Roder et Matthias Savignac (président de la MGEN) soulignent qu'un certain nombre d'enseignants sont "perdus" sur ces questions, surtout les plus jeunes. Le second évoque le rôle de la mutuelle dans leur formation, le premier raconte qu'après qu'il eut interpellé une élève qui conservait son foulard dans l'enceinte scolaire, une de ses collègues lui a demandé pourquoi il en voulait à cette élève qui est "une bonne élève", confondant ainsi des domaines distincts.
Quant aux adolescents, ils érigent la liberté individuelle en valeur et ils ne voient dans la loi de 2004 que l'interdiction, rapporte Iannis Roder. Stéphane Aurusseau (intervenant en milieu scolaire) s'inquiète de "l'inflation des discours identitaires" et de la confusion entre origine et confession. Il réagissait aux propos d'un participant dans la salle : "J'ai un jour laissé un groupe de jeunes organiser un match de foot, ils ont fait une équipe 'musulmans' et une équipe 'chrétiens'." Il s'inquiète aussi de "l'hégémonie de la posture pro-croyance". Pour les jeunes, "la religion, c'est cool", elle est dans "le camp du bien" et ils ne voient aucun rapport entre religions et violence. Iannis Roder fait remarquer que les guerres de religion et la Saint-Barthélémy ont pratiquement disparu des programmes d'Histoire.
Mais comment mesurer ces phénomènes ? Interrogée par ToutEduc sur la communication régulière par le ministère du nombre des "atteintes à la laïcité", Gwénaële Calvès liste les biais qui affectent le mode de production de ces chiffes qui "ne veulent rien dire" et elle conseille aux journalistes "de ne plus les citer".
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