Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

Comment mieux intégrer l’IA dans le système éducatif ? Les sénateurs pèsent le pour et le contre.

Paru dans Scolaire le lundi 04 novembre 2024.

Le rapport du Sénat, porté par Christian Bruyen (LR) et Bernard Fialaire (RDSE), "L’IA et l’éducation" vise à "savoir comment accompagner les développements en cours et répondre aux enjeux de l’éducation par et à l’IA". Il a été publié en octobre 2024 dans le cadre d'une réflexion menée sur "L'IA et l'avenir du service public" par la délégation à la prospective du Sénat.

Alors que l’IA est déjà présente dans l’éducation et en bouleverse les approches, "notamment depuis le lancement de ChatGPT par OpenAI en 2022", les rapporteurs dressent le constat que les acteurs du système éducatif s’approprient les outils de l’IA de manière très inégale, entre des jeunes générations qui y ont beaucoup recours tandis que le reste de la communauté éducative l’emploie peu. D’après l’enquête de l’agence Heaven (2024), "85 % des jeunes âgés de 18 à 21 ans avaient utilisé l’IA générative au cours des six mois précédant l’enquête".

La question n’est alors plus de savoir s’il faut ou pas composer avec l’IA mais comment faire avec. Pour l’avenir, le rapport dessine trois axes : mieux accompagner les acteurs de l’enseignement, former massivement et "favoriser l’émergence d’une culture citoyenne de l’IA", et enfin, évaluer les outils et approfondir les recherches. Pour chacun des axes, des propositions concrètes sont esquissées.

Le rapport présente l’IA comme "un potentiel d’innovation considérable pour l’accès au savoir et les apprentissages". Un des usages "les plus prometteurs" de l’IA par l'enseignant concerne la personnalisation de l’enseignement en l’adaptant au profil de l’apprenant. Concrètement, le système exploite des données d’apprentissage telles que des résultats à des questionnaires, en fonction desquelles il modifie son fonctionnement pour proposer des contenus et un niveau de difficulté appropriés à l’utilisateur. Les connaissances, les appétences de l’élève mais aussi son contexte socio-culturel peuvent être pris en compte en vue d’affiner le mieux possible cette "approche individualisée ou différenciée."

L’IA apparaît comme un "nouvel assistant pédagogique de l’enseignant". Elle peut aussi aider à la "scénarisation du cours", en transformant par exemple des supports pédagogiques en contenus interactifs, ce que propose l’application Nolej IA.

La question du temps libéré est aussi posée. "En automatisant certaines activités, par une assistance aux tâches rédactionnelles ou la réalisation de certaines évaluations, l’IA pourrait permettre de libérer du temps pour les enseignants", qui pourraient alors "se concentrer davantage sur la pédagogie et les élèves qui connaissent le plus de difficultés".

Assistant pour le professeur, l’IA serait de surcroît un "tuteur particulier disponible à tout moment pour l’élève". Dans cette perspective de suivi individualisé, sont mentionnées les applications d’IA générative, utilisées comme aide aux devoirs ou pour les activités d’écriture. Plus particulièrement pour les enfants en situation de handicap, l’IA pourrait contribuer à rendre plus accessible leur environnement d’apprentissage. Certaines IA contribuent déjà au diagnostic (trouble déficitaire de l’attention avec ou sans hyperactivité -TDHA-, dyslexie, dysgraphie). D’autres sont à destination directe des élèves, par exemple des enfants atteints de troubles du spectre autistique (TSA) pour les aider à communiquer plus aisément et à favoriser leur concentration.

En plus d’être au service de l’enseignant et de l’élève, l’IA serait au service de l’institution en venant en aide dans les processus d’admission, la planification des cours, l’identification précoce des décrocheurs ou l’e-proctering (surveillance des examens à distance).

Concernant l’orientation, la plateforme Parcoursup est donnée en référence, avec une nuance : "En raison de leur approche déterministe et des risques de biais et d’erreurs inhérents aux technologies d’IA, ce type de systèmes, qui entrent dans la catégorie des IA à haut risque en vertu de la réglementation européenne, exige des efforts d’explicitation et de transparence accrus."

Si l’IA peut constituer une aide pédagogique, elle n’est pas sans poser des questions éthiques. Un de ses usages controversés est d’ailleurs le suivi de participation des élèves, soulève le rapport qui pointe un cas en particulier. En Chine, des capteurs physiques et physiologiques sont en effet testés pour évaluer la participation et la motivation des élèves.

Concernant la place faite à l’IA dans l'enseignement en France, les rapporteurs appellent à son "intégration efficace et responsable dans l’éducation". Dans un contexte où, "au sein de l’Éducation nationale, en l’absence de démarche structurée et de cadre d’usage partagé, le recours des enseignants à l’IA résulte largement d’initiatives individuelles ou d’expérimentations à petite échelle", il s’agirait d’accompagner et de former davantage, tout en évaluant et en poursuivant la recherche.

Les principes directeurs que les rapporteurs appellent à suivre sont ceux fixés à l’échelle internationale, essentiellement la planification de l’IA dans les politiques de l’éducation, la mise de l’IA au service de l’autonomisation des enseignants, et le soutien au développement de nouveaux modèles.

À noter qu’à l’échelle européenne et en ce qui concerne l’éducation, certains usages font l’objet d’une vigilance particulière. "Les systèmes d’IA qui contribuent à déterminer l’accès ou l’affectation aux établissements d’enseignement ou à évaluer les étudiants sont classés parmi les utilisations à haut risque. Parmi les applications interdites figurent notamment les systèmes de reconnaissance des émotions dans les établissements d’enseignement ou encore les systèmes de notation basés sur le comportement social ou les caractéristiques personnelles."

En France, depuis 2018 et la stratégie du numérique pour l’éducation et la stratégie nationale pour l’intelligence artificielle (SNIA), des moyens ont été consacrés à des services s’appuyant sur l’IA et à la formation de personnels. En premier lieu les outils numériques intégrant des techniques d’IA, élaborés dans le cadre de partenariats d’innovation (P2IA) pour lesquels 17,76 millions d’euros ont été dépensées. Le budget prévisionnel des 4 P2IA en projet est de 68 millions d’euros. Mais le bilan est "mitigé" : le nombre d’utilisateurs "reste très variable et inégal", et "les services disponibles n’ont pas tous à ce jour connu une pleine montée en puissance".

Outre des enseignants qui se saisissent peu de ces outils, des limites apparaissent dans le cadre scolaire. "Au-delà des services numériques qu’il fait développer ou qu’il soutient, le ministère souligne ne pas être en mesure d’identifier des IA qui soient conformes aux exigences juridiques et éthiques dans les usages scolaires des élèves", notamment concernant "des enjeux liés à l’actualité des données, aux biais, aux possibles erreurs factuelles, au droit d’auteur ou encore à l’absence d’informations sur les sources utilisées".

Malgré les efforts engagés par l’Etat pour développer des ressources sur l’IA en éducation par les enseignants, le climat de confiance manque chez les acteurs de la communauté éducative pour que l’utilisation de cette technologie se déploie véritablement. Les inquiétudes exprimées (dépossession du métier, risque de dépendance, absence de démarche claire et structurée, etc.) "mettent en évidence la nécessité de bâtir un cadre de confiance fondé sur une approche équilibrée ni 'technopessimiste' ni 'technosolutionniste'."

Afin d'instaurer un climat de confiance, il faut que soit définie "une doctrine et un cadre d’usage qui, tout en préservant la liberté pédagogique, permettent l’innovation". Ainsi, tout en insistant sur la nécessité de rester maître de cette technologie, le rapport invite à l’intégrer davantage dans le système éducatif et à y former ses acteurs.

Rapport du Sénat, octobre 2024, ici.

ToutEduc, média indépendant, assure un suivi exigeant de l’actualité des acteurs de l’éducation. Ce travail d’information a un prix, celui de vos abonnements. Pour vous permettre d’y accéder sans transfert de dépêches (sauf établissement scolaire), nous vous proposons des formules à tarifs dégressifs.


« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →