Des valeurs transmises dans les formations professionnelles à valoriser (centre Henri Aigueperse)
Paru dans Scolaire, Orientation le mardi 22 octobre 2024.
"Quelle transmission de valeurs dans la formation professionnelle initiale ?" Voici la problématique qui guide la réflexion de Gilles Leluc et Denis Adam (science de la communication, Paris Nord), dans un rapport de recherche. L’étude a été réalisée par le centre Henri Aigueperse, un centre de recherche, de formation et d’histoire sociale rattaché à l’UNSA.
Partant du constat que l’École, en France, se charge à la fois de "la formation des contenus par la transmission de connaissances" et de "l’acquisition de comportements et de savoirs permettant l’épanouissement, l’émancipation et la capacité de vivre avec les autres en société", les auteurs se demandent quelles formes prend cette "vocation" dans la formation professionnelle. Que ce soit sur le plan personnel ou sociétal, quelles valeurs sont transmises aux jeunes des filières professionnelles, soit l’apprentissage et le lycée professionnel, une orientation plus souvent "subie" que "choisie" ?
L’enquête a mis en évidence plusieurs résultats. Les formations professionnelles ne se limitent pas à la transmission de seuls gestes techniques. Elles ouvrent aussi les élèves à la diversité et en ont une "approche positive". Les professeurs cherchent en effet à donner des clés à des jeunes que le milieu social n'a pas "toujours familiarisés avec une approche culturelle". Une mission investie par des enseignants qui la prolongent dans la sphère citoyenne, en interrogeant la notion du "vivre-ensemble". Etant donné que les jeunes de ces filières ont souvent des parcours qui les excluent des circuits classiques, un des enjeux des formations est de les aider à "trouver leur place dans la société".
Sur le plan des distinctions sociales, un clivage est relevé entre les filiières CFA et LP qui amène à questionner les "hiérarchies sociales" structurant ces filières mais aussi des systèmes de valeurs. Alors que les professionnel.les des CFA ont tendance à valoriser les résultats de leurs apprenti.es, ceux des LP peuvent regretter "leur faible niveau ou du moins leur manque d’appropriation de concepts leur permettant de mener une réflexion plus poussée". "La comparaison s’impose donc entre le niveau des élèves au regard des critères de réussite édictés par l’institution scolaire", ce qui conduit à une hiérarchisation des élèves dans "une logique de rapport de valeurs entre les métiers".
Les deux modes de formations partagent une difficulté, pointe le rapport. Celle de traiter les thématiques qui ne font pas consensus, telle que la laïcité. Les équipes écartent en effet de projets pédagogiques des sujets divergents, "par crainte des réactions du public".
L'étude, en posant la question de la transmission de valeurs, en vient à se poser "celle plus générale des hiérarchies sociales et professionnelles et du rôle que jouent l’éducation et la formation dans leurs construction et conservation". Dans un contexte où les métiers manuels et techniques souffrent encore d’un manque de reconnaissance, les auteurs pointent que pour "faire de la voie professionnelle un parcours de réussite", sont nécessaires "un nouveau regard sur la formation professionnelle initiale" ainsi qu’ "un changement de mentalité quant à la reconnaissance de la place et de la valeur de chaque citoyen.ne, quel que soit son parcours scolaire et professionnel".
"Quelle transmission de valeurs dans la formation professionnelle initiale ?", Gilles Leluc et Denis Adam, Centre Henri Aigueperse dans le cadre de l’agence d’objectif IRES (Institut de recherches économiques et sociales). Rapport de recherche ici.