Familles - Collèges et lycées : une relation qui reste positive mais qui se dégrade rapidement
Paru dans Scolaire le mercredi 06 novembre 2024.
"Les relations des parents avec les établissements secondaires publics ainsi qu’avec les personnels de direction se sont considérablement détériorées en 10 ans" constate Georges Fotinos (ancien chargé d’Inspection générale de l’Éducation nationale) qui publie ce 6 novembre une étude titrée "la mésentente" fondée sur les réponses de 1204 "PERDIR" au questionnaire qui leur était adressé... L'étude a été menée à la demande du SNPDEN (avec le soutien de la CASDEN), elle était présentée ce 6 novembre dans le cadre d'une table ronde, "Ecole et parents, vers une responsabilité partagée", organisée par le syndicat UNSA des personnels de direction dont le secrétaire général, Bruno Bobkiewicz a aussitôt nuancé le propos, "dans de très nombreuses situations, ça se passe très bien".
Mais, fait valoir G. Fotinos qui a repris les questions posées en 2013 (voir TE ici), 69 % des "perdir"considéraient alors que le climat scolaire dans leur établissement était "excellent ou bon", ils ne sont plus que 48 % dix ans plus tard. A la question : "Comment qualifiez-vous le climat des relations de votre établissement avec les parents d’élèves ?", ils étaient 59 % à le décrire comme "excellent ou bon" en 2013, ils ne sont plus que 37 % en 2023. Si la moitié des proviseurs et adjoints dans les lycées généraux et technologiques estiment que le climat relationnel "enseignants/parents" est "excellent ou bon", les principaux et adjoints de collèges en éducation prioritaire ne sont qu'un tiers à le penser. La quasi totalité des personnels de direction (97 %) avait le sentiment que les parents leur faisaient confiance, ils ne sont plus que 89 %.
Faire participer les parents
La question de la laïcité est également posée. Si dans 78 % des lycées et collèges plus de 90 % de parents respectent les valeurs de la laïcité, c'est seulement dans un tiers des établissements que "près de 100 % des parents respectent ces valeurs". Alors que 9 % des perdir estimaient en 2013 que les enseignantes étaient moins respectées que les enseignants, ils sont 21 % en 2023, un pourcentage qui monte à 26 % en REP et REP+.
La très grande majorité des personnels de direction - quelle que soit la catégorie de leur établissement -, considère qu'ils doivent faire participer les parents pour faire réussir les élèves, mais le pourcentage de ceux qui le pensent est passé de 97 % à 87 % ( (91 % dans les collèges en éducation prioritaire, 81 % dans les LP). De même, toujours selon les "perdir", le pourcentage des enseignants qui "informent régulièrement les parents des progrès et difficultés des enfants" est passé de 84 % à 78 %. Il faut dire qu'ils pensent que "les parents ne lisent pas les informations transmises par l’établissement (67 % contre 54 % dix ans plut tôt).
Et dans le même temps, le nombre des différends avec les parents a augmenté. Alors que 27 % des perdir répondaient qu'ils n'avaient "presque jamais" ce type de difficultés, ils ne sont plus que 14 % dans ce cas. Ils sont 13 % (17 % dans les collèges hors EP) à répondre "presque toutes les semaines" contre 7 % précédemment et le pourcentage de ceux qui ont subi une agression physique est passé de 1 % à 3,5 %, le pourcentage des perdir qui n'ont jamais été insultés est passé de 68 % à 57 %...
Mésentente ou incompréhension ?
Catherine Becchetti-Bizot, la médiatrice de l'Education nationale, n'est pas sûre qu'il faille parler de "mésentente" comme le fait G. Fotinos, mais à coup sûr d'incompréhensions et d'une perte de confiance des parents dans l'institution. Avec le confinement, chacun a pris l'habitude d'utiliser les messageries, "on écrit à tout propos", "tout et n'importe quoi" et les équipes pédagogiques se sentent "démunies" face "à la montée des comportements agressifs". Elle a toutefois "du mal à (se) faire à l'idée d'une dégradation" des rapports entre les familles et l'école, mais les familles qui ont des différends avec les personnels de direction ou avec les enseignants et qui saisissent la médiatrice "ne sont pas celles qui sont les plus en difficulté", ce ne sont pas celles qui ne comprennent pas comment fonctionne le système.
Les représentants des deux fédérations de parents d'élèves, PEEP et FCPE, mettent en avant l'absence d'interlocuteur. Avec la réforme du lycée, il n'y a plus de conseils de classe. Dès la classe de 3ème, il faut faire des choix qui pèseront lourd sur l'orientation, la pression et les tensions augmentent, ce dont Parcoursup est la représentation. De plus, la société a changé, les parents écoutent beaucoup plus leurs enfants que les personnels de direction, certains (Olivier Toutain -PEEP-, vise, sans les nommer, les "parents vigilants" qui se situent dans le sillage d'Eric Zemmour) voudraient peser sur les contenus d'enseignement... Les contestataires ne représentent pas l'ensemble des parents, pour qui ça se passe "très bien", mais des "groupes isolés". S'ajoutent à ces questions de société la succession des réformes, un système qui se complexifie. Il faudrait une formation pour les parents, et aussi mettre en valeur le rôle des associations pour passer d'une logique individuelle, l'intérêt d'un enfant, à une logique collective, l'intérêt commun.
Où sont les parents ?
Mais quelle est la place des parents dans les établissements ? Le pourcentage des personnels de direction qui pensent que, "pour faire réussir les enfants, l’établissement se doit de faire participer les parents", baisse mais reste élevé, de 93 % en 2013 à 87 % en 2023. Le secrétaire général du SNPDEN, qui a dirigé des établissements dans des contextes sociaux divers, rappelle que, dans les collèges en zone difficile et dans les LP, on cherche des parents qui acceptent de participer aux diverses instances et que dans les établissements favorisés, on trouve qu'ils sont "un peu trop présents", mais ce n'est le fait que d'une infime minorité. Il n'en reste pas moins que ce sont les "perdir" des collèges "hors Education prioritaire" qui estiment le plus que leur relation avec les parents s'est dégradée (65 % contre 53 % en REP ou REP+).
Georges Fotinos plaide d'ailleurs pour "une co-éducation renouvelée". Philippe Meirieu qui signe une importante contribution publiée en annexe trouve normal qu'il y ait des désaccords entre les familles et l'école, mais qu'il faudra "construire des institutions pour faire exister et contenir, tout à la fois, les conflits (...), des institutions fondées sur la coopération (...), des institutions qui tissent ensemble un nouveau paysage politique et permettent de mettre en place un nouveau contrat entre les parents et l’École."

