Faire dialoguer la recherche et la politique pour la santé mentale des jeunes (CSEN)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mercredi 09 octobre 2024.
Mots clés : santé mentale ; bien être ; CSEN
Annoncée comme une priorité par le gouvernement, la santé mentale des jeunes a fait l’objet d’une conférence organisée par le CSEN (Conseil scientifique de l’Éducation nationale) ce 9 octobre, à la veille de la Journée mondiale de la santé mentale. La conférence "Santé mentale et bien être des élèves. Mieux connaître pour prévenir et agir" rappelle que les jeunes sont particulièrement concernés.
13% des enfants de 6 à 11 ans présentent un trouble probable de santé mentale (enquête Enabee, 2022), 14% des collégiens et 15% des lycéens présentant un risque important de dépression, 24% des lycéens déclarent avoir eu des pensées suicidaires au cours des douze derniers mois, 13% d’entre eux ont déjà fait une tentative de suicide et 3% ont été hospitalisés (Enquête Enclasse, 2022). Des chiffres en hausse et qui concernent davantage les filles.
"Aucun enfant, aucun jeune ne doit être laissé seul sans solution", assure la ministre de la Santé en ouverture de la conférence. Stanislas Dehaene, président du CSEN, souligne : "Le bien-être est un des trois piliers fondamentaux avec le langage et les mathématiques. Les deux premiers ne pourraient exister sans le troisième. L’objectif d’aujourd’hui, c’est que tous, la communauté éducative de l’Éducation nationale et les personnes qui composent l’environnement des enfants, nous aidions les enfants à avoir confiance en eux et à changer leur trajectoire." La question étant comment améliorer les pratiques sur le terrain, s’appuyant sur des travaux de chercheurs et de cliniciens.
"La santé mentale n’est pas l’absence ou la présence d'un trouble mental, mais une question de bien-être" dit Pierre Fourneret, pédopsychiatre, se référant à la définition de la santé de l’OMS comme un "état complet de bien-être physique, mental et social qui ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité". Trois facteurs sont à prendre en compte dans l’évaluation du bien-être, explique Pierre Fourneret : le contexte social, le contexte socioéconomique et les facteurs biologiques. Intéressé par la composante génétique, le pédopsychiatre explique que les recherches permettent désormais "de remonter les trajectoires d’un individu jusqu’au prénatal". Il précise toutefois : "Ce n’est pas parce qu’on parle de biologie que cela signifie que tout est déterminé."
Si le ministère de l’Éducation nationale dit y porter une attention particulière, le harcèlement scolaire est "encore minimisé par les adultes", pointe Nicole Catheline. La pédopsychiatre spécialiste du harcèlement scolaire rappelle que l’appréhension du harcèlement scolaire a d’abord reposé sur le profil des individus, tandis qu'il est aujourd'hui analysé à partir d'un profil de situation, prenant en compte les dynamiques de groupe à l’œuvre. "Beaucoup de choses liées au harcèlement s’expliquent par l’allégeance au groupe", à un âge en pleine construction où le besoin de repères clairs et de se sentir appartenir à un groupe est fort, explique Nicole Catheline. Ses recommandations : apprendre aux élèves à gérer leurs émotions, en mettant des mots et en travaillant sur le corps, et accompagner, par la formation notamment, les parents et le corps enseignant.
Autre élément sur lequel agir pour le bien-être des enfants : le sommeil. "C’est un baromètre d’alerte de la santé mentale", indique Carmen Schöder, pédopsychiatre et professeur des universités. Pour elle, le sommeil devrait être mis au même niveau que l’alimentation et le sport. 40% des adolescents sont en privation de sommeil, alors qu’il "joue un rôle très important sur ce que l’on a appris dans la journée", souligne Carmen Schröder. Un manque ou une mauvaise qualité de sommeil a des répercussions sur la santé mentale. "Les liens entre troubles d’insomnie et risques de développer des troubles psychiques sont avérés", souligne la pédopsychiatre.
"C’est intéressant ce que dit la science mais au sein de l’Éducation nationale, est-on prêt à appliquer ce que dit la science ? On n’a déjà pas assez de PsyEn, de personnels, de moyens", remarque un CPE dans la salle. "Aujourd’hui, nous cherchons justement à ce que la recherche et les politiques mettent ensemble des choses en place", répond Stéphanie Mazza, membre du CSEN et professeure de neuropsychologie.