L'Ecole n'est pas imperméable aux racismes (Les Cahiers pédagogiques)
Paru dans Scolaire le vendredi 27 septembre 2024.
Mots clés : racisme
Les racismes ne se manifestent pas tant, au sein de l'école, sous une forme idéologique "que sous la forme diffuse de processus de racialisation", estiment Françoise Lorcerie (CNRS) et Francine Nyambek-Mebanga (U; de Créteil) dans l'avant-propos du dossier du dernier numéro des Cahiers pédagogiques. "Bien que les enseignants condamnent fermement le racisme, la thématique raciale est omniprésente dans les écoles REP+" qu'a étudiées Laura Foy (Inspé de Lyon). Elle ajoute : "Elle s'y exprime le plus souvent de manière euphémisée, en terme de culture" et "les élèves musulmans sont souvent perçus comme ayant plus de difficultés à respecter la laïcité". Mais plutôt que de condamner ces enseignant.e.s, l'auteure voit dans leur attitude "une stratégie de survie professionnelle : "ils exercent dans des territoires qu'ils jugent dangereux, ils sont face à des élèves dont les qualités scolaires et morales sont mises en doute et ils se rendent chaque jour dans des locaux insalubres" tandis que l'affirmation des valeurs "scolaires républicaines" est "démentie par leurs conditions d'exercice professionnel".
Une enseignante, évoquant la situation dans son lycée, dit de même que les filles d'origine maghrébine se retrouvent plus souvent en filière technologique "quand d'autres avec les mêmes résultats allaient en filière littéraire (...) par une sorte d'évidence, parce que c'était du secrétariat, un domaine racisé et sexisé" mais il est "impossible de soulever cette question au sein de l'équipe", le tabou est "trop douloureux".
Cela n'exonère pas les enseignants de toute responsabilité, comme cette jeune professeure de SVT qui, pour expliquer comment définir une espèce scientifiquement a parlé des caractères qu'elle possède, la couleur de peau par exemple, et qui entend ensuite porter plainte pour diffamation parce qu'un élève s'est exclamé "c'est raciste, ce que vous dires, madame". Ou cet autre qui faisait des remarques "éhontément racistes, homophobes et sexistes". "Nous avions tendance à détourner la conversation sans le confronter à son attitude." Il n'est jamais facile de dénoncer un collègue.
Le racisme se manifeste aussi parmi les élèves. Au terme d'une enquête dans plusieurs établissements du second degré, un chercheur constate "que le socle d'adolescents franchement hostiles à l'immigration s'élève à un tiers des sondés". Et le dossier tente de répondre aux questions que se posent les enseignants, dans la gestion des classes pour réagir à une expression raciste, mais aussi pour en mesurer l'exacte portée. Ainsi, lorsque des élèves ont l'impression "que l'on ne peut pas critiquer Israël sans se faire taxer d'antisémitisme, alors que l'on peut impunément critiquer l'Islam", est-ce une manifestation d'antisémitisme ou l'expression d'une demande d'égalité suscitée par le sentiment d'un "deux poids, deux mesures" ?
Les Cahiers pédagogiques, n° 595n septembre 2024, 12 €, ici