L' "éducation positive", la "parentalité positive", faux nez du néolibéralisme (G. Neyrand, ouvrage)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le jeudi 26 septembre 2024.
Mots clés : éducation positive, Neyrand
"L'impératif de réalisation de soi" est le nouvel idéal du néolibéralisme et cela est particulièrement sensible dans le domaine scolaire et dans celui du soutien à la parentalité. C'est ainsi que peut se résumer l'essai, très documenté, de Gérard Neyrand (U. de Toulouse), "Critique de la pensée positive".
L'auteur constate notamment que les premiers ouvrages vantant la positivité sont nord-américains, tout comme "la figure mythique du self made man, celui qui s'est fait tout seul". Sans entrer ici dans le détail de sa démonstration, le sociologue fait le lien avec "certaines injonctions hâtives à laisser l'enfant suivre ses impulsions sans le contraindre en rien". La remise en cause de l'autorité "trouve ainsi à s'affirmer d'abord dans la famille (...). La démocratisation de la famille s'est ainsi affirmée comme une promotion de l'individu, plus ou moins affranchi de ce qui constitue le lien collectif.". C'est ainsi qu' "un nombre croissant de parents des couches instruites prennent leurs distances avec l'objectif scolaire, alors même qu'une proportion croissante de parents des couches populaires peinent à faire valider leurs attentes éducatives auprès des enseignants (...). Désormais, l'école et les parents ne font plus systématiquement cause commune, hormis chez certains parents socialement ou culturellement défavorisés" tandis que les parents plus instruits cherchent des solutions alternatives.
D'où le succès de la pédagogie Montessori. Elle "met l'accent sur l'autonomie et l'épanouissement" tout en favorisant l'apprentissage précoce de l'écriture, de la lecture et des mathématiques dans une école maternelle qui "se scolarise" davantage chaque année. "A l'inverse, la pédagogie Freinet met en avant les valeurs de l'action collective, elle est "plus difficilement utilisable par le projet positiviste, avant tout individualisant".
Quant à "la parentalité positive", l'auteur la définit comme "l'art institutionnel d'affoler les parents" en laissant entendre qu'il y aurait une parentalité négative alors que "l'ensemble des parents (sauf cas pathologiques rarissimes) se soucient du bien-être de leurs enfants et de leur avenir". Et Gérard Neyrand se moque : "L'enfant de la parentalité positive est, comme son parent, un enfant fantasmé, postulé comme naturellement bon et doté d'une empathie spontanée à l'égard des autres humains." Bien sûr les parents comme les éducateurs doivent adopter une "attitude bienveillante" dans "une proximité nouvelle", mais celle-ci "ne signifie pas la disparition d'un cadre contenant et socialisateur".
"Critique de la pensée positive, heureux à tout prix", Gérard Neyrand, éditions ERES, 242 pages, 23 €