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L'IA pour l'éducation, une nécessité et une complexité (revue de l'AFAE)

Paru dans Scolaire le mercredi 25 septembre 2024.

Alors qu'une majorité d’élèves et d’étudiants a déjà recours à l'intelligence artificielle, en dehors de tout accompagnement par leurs enseignants et qu'une étudiante estime qu'il est "plus simple d’apprendre avec l’IA qu’avec des professeurs", l'AFAE (Association française des acteurs de l’éducation) a choisi ce thème pour son colloque 2024 et la quasi‐totalité des communications est reprise dans le dernier numéro d' "Administration & Éducation".

Avant d'évoquer les avantages, les dangers et le bon usage de l'IA dans l'éducation, pour en envisager les divers aspects, la revue donne la parole à un gendarme, à un pilote de ligne sur Airbus, aux responsables du "Health Data Hub" pour qui "l’IA a deux avantages considérables : elle va aider au diagnostic par comparaison avec des milliers de données et de ressources" et elle peut prédire des complications. Mais elle peut aussi être piratée et proposer de faux diagnostics.

Pour ce qui est de l'éducation, les contributeurs ne pensent pas que l'IA provoquera une "vraie révolution", plutôt "quelques évolutions dans la façon d’enseigner", par exemple "faire travailler en autonomie un groupe d’élèves" parmi les plus compétents pendant que "l’enseignant s’occupera des plus fragiles". Mais comme le fait remarquer un enseignant, l'utilisation de l'IA pendant les cours se heurte au règlement sur la protection des données personnelles (le RGPD).

André Tricot (U. de Montpellier et CNESCO - CNAM) distingue trois courants. Le premier, celui des "tuteurs intelligents" a connu son apogée dans les années 1980‐90, il supposait "un modèle des connaissances du domaine à enseigner, un modèle de la tâche et des erreurs, un modèle de l’élève (...) et enfin un modèle du feedback pertinent (...). Les tuteurs intelligents ont remporté de beaux succès, mais ont rarement passé la porte des laboratoires." Les ambitions du deuxième courant, "enrichir l’environnement" sont bien plus modestes. Mais, troisième courant, celui des "utopies et légendes urbaines", voit des gens "incompétents" être "peu gênés pour exprimer leurs opinions. Par exemple, de très nombreux acteurs du monde de la formation, notamment à un niveau post‐ secondaire, ont, sans aucune réserve, répandu l’idée que les apprentissages en autonomie étaient possibles avec les MOOC, les hypermédias, etc. Quelle ne fut pas la surprise quand les études montrèrent dès les premiers MOOC que les taux d’abandon y étaient en moyenne supérieurs à 90 % !"

Agathe Cagé (ancienne conseillère de Najat Vallaud-Belkacem)rappelle que "les IA n’apprendront jamais 'à la place' des élèves" qui doivent être conscients "qu’elles ne doivent absolument pas constituer des substituts à leur maîtrise en propre de compétences et de connaissances". Après avoir évoqué la rapidité du fonctionnement des IA, "les enseignantes et les enseignants se retrouvent de fait placés face à un défi nouveau : transmettre le goût de prendre du temps".

Il va falloir aussi que l'Ecole forme ses personnels, ses cadres notamment, comme le rappelle Jean-Charles Ringard (IGESR honoraire) : "Ceci apparaît d’autant plus nécessaire que, dès 2024 en seconde, la pratique de l’IA pour individualiser le soutien des élèves est mise en place. Les choix politiques étant faits, la stratégie nationale pour les cadres doit être mise en œuvre maintenant !".

Or, comme le montrent Alexandre Béranger (proviseur) et Jean Lamerenx (enseignant), la capacité des IA pour l’analyse de masses de données ouvre des perspectives "pour un suivi dynamique des établissements", puisque "le système éducatif possède et produit un nombre très important de données (... qui) devront être épurées, structurées et saisies selon des procédures homogènes sur l’ensemble des établissements". Mais "l’environnement numérique que les chefs d’établissement ont à leur disposition est organisé en silo avec des interfaces spécifiques pour la réalisation de chaque fonction (...). Ces logiciels sont souvent conçus selon des 'philosophies' différentes, ce qui limite les possibilités d’analyse croisée des données."

Le philosophe Denis Andler pose le dilemme, l'IA "pourrait entraîner des mutations indésirables", mais nous ne saurons ce qu'elle peut apporter "qu’en lui donnant les moyens de se déployer pleinement (...). S’interdire d’essayer avec détermination de porter remède, avec l’IA, aux maux dont l’éducation est la proie aujourd’hui, paraît aussi irrationnel que de renoncer d’avance aux antibiotiques pour vaincre les maladies bactériennes. Et nous ne pourrons rapprocher les points de vue, aujourd’hui frontalement opposés, des partisans de l’IA et de ses opposants qu’à la lumière de l’expérience : ce n’est que sur la base de comparaisons nombreuses, variées, systématiques, que l’on pourra progresser dans la compréhension des processus éducatifs appuyés ou non sur les technologies." Il faut donc qu'enseignants et apprenants puissent "fonctionner dans deux modes : avec et sans technologie (...). Les enseignants puiseront librement, pour certains cours, dans les ressources de la technologie, IA comprise, et pour d’autres s’en passeront. Les apprenants assimileront certains cours, prépareront certains exercices avec ces ressources, et s’en passeront pour d’autres (...). Le bilinguisme éducatif est la direction que nous devrions prendre résolument, plutôt que de nous perdre dans les incertitudes d’un régime hybride."

"Ecole et intelligence artificielle, je t'aime moi non plus ?" n° 183 d'Administration et Education, 147 pages, 21€, www.afae.fr

 

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