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Pour les jeunes placés en protection de l'enfance, des parcours éducatifs malmenés (France Stratégie)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice, Orientation le jeudi 12 septembre 2024.

“Parce qu’il est orienté sur l’objectif d’autonomie financière précoce, le placement contribue peu à restaurer les chances d’obtenir un diplôme de l’enseignement supérieur et d’accéder au haut de la hiérarchie sociale“, constate France Stratégie dans une note d'analyse des parcours des enfants pris en charge par la protection de l’enfance publiée mardi 10 septembre.

Parcours scolaires

Ceux-ci sont en effet marqués par “des taux de redoublement particulièrement élevés“ : par exemple, 40 % des jeunes de 2013-14 passés par l'ASE avaient redoublé à l’école primaire, soit une proportion 2,5 fois plus élevée que celle constatée pour l’ensemble des jeunes du même âge nés en France (16 %). Il s'agit également de périodes de déscolarisation, “fréquentes l’année au cours de laquelle survient le placement“, et qui “progressent à partir de l’âge de 11 ans.“ En tout 24 % des jeunes placés ont été déscolarisés au moins une fois pendant deux mois ou plus au cours de leur scolarité.

La fréquentation de classes de l’enseignement spécialisé, qui scolarisent des enfants en grande difficulté ou en situation de handicap, concerne 28 % des jeunes placés, contre seulement 4 % de l’ensemble des jeunes nés en France. À 17 ans, ce sont ainsi quasiment 20 % des jeunes placés nés en France qui ont des difficultés pour lire ou écrire le français, tandis que 10 % des jeunes ayant participé à la journée Défense et Citoyenneté en 2014 présentaient des difficultés de lecture.

Orientation et insertion

Les jeunes placés connaissent en conséquence une “orientation précoce dans la voie professionnelle courte“ ainsi qu'un “faible accès à l’enseignement supérieur“ : une petite moitié (46 %) des jeunes placés de 18 à 22 ans sont titulaires d’un diplôme professionnel, plus souvent un CAP-BEP (30 %) qu'un bac professionnel (16 %). A l'inverse, 12 % possèdent un bac général ou un diplôme de l’enseignement supérieur, soit trois fois moins que pour l’ensemble des jeunes (39 %). Et 17 % des jeunes placés sont dépourvus de tout diplôme, contre 8 % dans l’ensemble des jeunes.

Au final les jeunes placés en protection de l’enfance intègrent le marché du travail plus tôt que l’ensemble des jeunes, avec 60 % d'entre qui occupaient déjà un emploi ou en cherchaient un à 20 ans en 2015. Si les emplois occupés par les jeunes placés “ne sont pas très différents de ceux des jeunes qui travaillent déjà“, France Stratégie constate que 75 % des jeunes issus de familles favorisées poursuivent eux des études supérieures.

Facteurs

Parmi les multiples facteurs qui guident ces destinées, l'institution distingue les difficultés familiales susceptibles d’affecter la scolarité des jeunes placés, comme les négligences qui, “par le manque de stimulation ou le stress qu’elles génèrent, nuisent au développement cérébral de l’enfant“, ou les maltraitances qui “créent des difficultés psychiques, cognitives, émotionnelles et comportementales qui entravent les apprentissages.“

Est également soulignée la surreprésentation des situations de handicap chez les jeunes placés, sept fois plus présentes que pour l’ensemble des jeunes âgés de 15 à 19 ans en 2021 (10 % contre 1,2 %), ce qui “peut s’expliquer notamment par leur vécu qui a conduit au placement et qui les surexpose au développement de troubles psychiques.“

S'ensuivent des ruptures de scolarisation dues à la combinaison des deux effets, être placé et porteur de handicap, “les deux s’amplifiant mutuellement“. Pourquoi ? Notamment car “la majorité des prises en charge des jeunes handicapés en protection de l’enfance se fait dans des structures non spécifiques qui ne disposent pas des moyens nécessaires“. Mais c'est aussi parce que les établissements médicosociaux, qui assurent une prise en charge scolaire, éducative et thérapeutique adaptée aux besoins des enfants en situation de handicap, seraient réticents à accueillir des enfants de l'ASE, présentant souvent des troubles du comportement plus difficiles à traiter. Enfin, il est question de l'organisation en silo des politiques publiques (protection de l’enfance, handicap, éducation et scolarisation, etc.).

Troisième facteur, le poids prépondérant de l’origine sociale, “caractéristique héritée qui pèse le plus sur les trajectoires scolaires“. Or un “faisceau d’indices concordants“ amène l'institution “à penser que les jeunes placés en protection de l’enfance proviennent en moyenne d’un milieu social beaucoup plus défavorisé, marqué par un cumul de difficultés, que l’ensemble des jeunes.“

Le document fait valoir chez les parents d’enfants placés “une relation distante à l’école", ils nourrissent des espoirs limités pour leurs enfants“, ou encore des familles biologiques “souvent confrontées à des problèmes de santé ou à une situation de handicap de l’un ou des deux parents qui peuvent entraver leur capacité d’aider et de suivre la scolarité de leur enfant“.

Compenser.. ou décourager

Cependant, ces inégalités de chances (et les destins scolaires) peuvent être compensées ou non en fonction des modalités de placement, notamment si l'enfant est placé en famille d'accueil, celle-ci ayant en moyenne un niveau de diplôme plus élevé et davantage de présence sur le marché du travail. Une situation plus favorable boostée par des aspirations “élevées“ : ainsi, “les jeunes ayant réussi scolairement ont été placés dans des familles d’accueil qui avaient les mêmes attentes scolaires à leur égard que pour leurs propres enfants.“

De même, les éducateurs qui présentent un “parcours ascendant ont le sentiment que les enfants placés peuvent évoluer scolairement et professionnellement, pour peu qu’on les encourage et qu’on leur donne envie de réussir“, tandis que ceux “qui ont connu des parcours de déclassement ou des situations d’échec scolaire prônent pour les jeunes des filières courtes et une insertion rapide et invitent à ne pas trop les pousser“.

Plus globalement, les attentes scolaires des éducateurs à l’égard des jeunes placés en établissement seraient “souvent peu ambitieuses, nourries par le constat de leurs nombreuses difficultés scolaires, mais aussi par une représentation négative de leur parcours scolaire et une anticipation pessimiste de la fin du placement“, c'est pourquoi “la scolarité est souvent reléguée au second plan dans le travail des éducateurs spécialisés, considérée comme une tâche subsidiaire.“

Dès lors, “l’orientation massive dans la voie professionnelle est la conséquence des difficultés scolaires accumulées“ au long de la scolarité des jeunes placés, mais “elle résulte aussi du système de la protection de l’enfance qui fait sortir les jeunes du dispositif de placement à 18 ans et les contraint à une autonomie financière dès cet âge couperet.“

Aussi souvent, dès 15 ans les professionnels de l’ASE “découragent“ les jeunes placés de poursuivre des études supérieures, en partie en partie en raison d'une méconnaissance “du système éducatif auquel ils ne sont pas formés“. Presque en miroir, France Stratégie évoque le manque de contact, d'information et de formation des enseignants sur la protection de l’enfance, pouvant de leur côté “se trouver mis en difficulté par le fait que les spécificités et la complexité des parcours de ces jeunes ne sont pas toujours prises en compte comme des besoins éducatifs particuliers, souvent restreints au champ du handicap“. De quoi appeler à “faire de la réussite scolaire un objectif explicite du placement et (..) améliorer la coopération entre l’Éducation nationale et les services de l’ASE“.

La note ici

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