Education à la vie affective, relationnelle et sexuelle : l'avis du CESE adopté
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le mercredi 11 septembre 2024.
L'avis du Conseil économique, social et environnemental (CESE) concernant l'éducation des enfants à la vie affective, relationnelle et sexuelle a été adopté (tout comme son rapport), mardi 10 septembre par 119 voix pour et 19 abstentions.
Si la loi Aubry de 2001 “pose un cadre“, faisant de l’éducation à la sexualité en milieu scolaire une obligation légale à raison d'au moins trois séances annuelles dans les écoles, les collèges et les lycées, celle-ci “reste largement inappliquée“ avec moins de 15 % des élèves qui en bénéficient.
Il est cependant “indispensable“ d'accompagner les jeunes qui “sont en demande de cette éducation“, et “vouloir les en ‘protéger‘, en particulier à l’école, c’est souvent les laisser seuls avec leurs questionnements, sachant par exemple qu’ils et elles seront exposés à des images pornographiques sur un téléphone portable avant l’âge de 10 ans.“
De plus, constate la co-rapporteure Cécile Gondard-Lalanne, l’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS) est une “démarche transversale et progressive“ permettant à l'enfant “d'apprendre à se connaitre, à connaitre les autres et à construire des relations permettant d'aller vers plus d'égalité entre les femmes et les hommes“.
Le CESE voit donc en l'EVARS une “éducation à l’égalité qui déconstruit les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires entre les individus“ mais également un “point de convergence entre les droits des femmes et les droits des enfants“, pouvant “déconstruire les schémas toxiques, aider à enrayer la montée des violences sexuelles, du sexisme, des LGBTQIAphobies et contribuer à une meilleure prévention des maladies sexuellement transmissibles et de la transmission du VIH pour lesquels les connaissances de jeunes sont en net recul depuis plusieurs années“. Cette éducation pourrait de plus contribuer au repérage d’enfants victimes d’abus sexuels.“
24 préconisations sont ainsi formulées pour “rendre réellement effectif“ le droit à l'EVARS. Il s'agit notamment d'assurer que les droits des enfants soient “reconnus au plus haut niveau de l’État, et connus par tous et toutes, à commencer par les enfants eux-mêmes, les familles, et les personnes qui les accueillent et les accompagnent“. A ce titre, l’école “a une mission particulière“ en intégrant l’EVARS dans un enseignement obligatoire des compétences psychosociales et de l’égalité à l’école “dont le volume horaire annuel devra être d’au moins 30h dès le collège“.
De plus, les droits des enfants et interdits à leur égard devraient être affichés dans tous les lieux qu’ils et elles fréquentent, et inscrits dans les référentiels métiers des professionnelles et professionnels encadrant les enfants. Est encore proposé de tenir des permanences régulières dans les endroits fréquentés par les jeunes, dont l’école, le collège, le lycée et les centres de formation d’apprentis. Pour les parents, il est question de proposer “systématiquement“ trois rendez-vous individuels autour des besoins et des droits de l’enfant (intimité, éducation…), à plusieurs étapes clefs de la vie de l’enfant (naissance, entrée en maternelle, entrée au collège).
Sachant enfin que “tous les lieux de socialisation des jeunes sont des espaces dans lesquels elles et ils construisent leurs liens affectifs, relationnels et parfois sexuels“, est souhaitée la création d'un plan de formation unique élaboré “en concertation avec l’ensemble des parties prenantes sur les besoins et droits fondamentaux de l’enfant“ ainsi qu'une “incrimination pénale sanctionnant l’entrave au droit des enfants à bénéficier d’une EVARS.“
A noter, dans ce rapport adopté à l'unanimité, plusieurs prises de position qui intéressent la société toute entière
Le raisonnement est d'abord économique.
"Si l’on accepte que l’EVARS permet de créer une société plus égssssalitaire et moins violente, il est possible de chiffrer le coût de l’expression du manque d’EVARS (...). Le coût total des violences au sein du couple et de leurs incidences est estimé à 3,6 milliards d’euros par an en 2012 (...). Les violences sexuelles sur mineures et mineurs et l’inceste ont été chiffrées (...) à près de 10 milliards d’euros par an (...)."
Mais il est essentiellement moral ou philosophique
"Le CESE estime qu’on ne 'dresse' pas des enfants, on les élève, avec bienveillance, pour en faire des enfants puis des adultes épanouis, non violents, et à l’écoute."
'Le patriarcat est un système social qui structure encore aujourd’hui nos sociétés. Fondé sur un rapport de domination entre les hommes et les femmes, il contribue dans tous les espaces de socialisation des enfants, à une éducation sexiste, stéréotypée, hétéronormée."
L’infantisme "désigne un ensemble de discriminations et de préjugés dirigés contre les enfants et les adolescentes et adolescents". Cette notion perpétue "une vision selon laquelle les enfants seraient des êtres inférieurs, moins compétents et donc, moins dignes de respect et d’autonomie".
Il repose sur un constat social ...
Les enquêtes montrent "la persistance de relations affectives, relationnelles et sexuelles très genrées, avec des jeunes filles exposées au stigmate de la 'fille facile', des garçons soumis à des démonstrations virilistes pour échapper à la suspicion d’homosexualité".
... et connaît les réticences d'une partie du corps social ...
"Afin de déconstruire les peurs et les fantasmes autour de l’EVARS et de promouvoir l’égalité entre les individus, le CESE préconise une campagne nationale d’information sur les contenus de l’EVARS (...). Cette campagne doit s’attacher à valoriser les acteurices, et en particulier les parents (...). Les façons de mettre en œuvre l’EVARS, qui porte des valeurs universelles, doivent tenir compte des spécificités sociales et culturelles propres à chaque territoire en prenant en compte les tabous et les croyances particulières, les conditions sociales et économiques et les usages des réseaux sociaux."
... mais aussi les leviers dont disposent les politiques publiques ...
"Une série comme 'Sex Éducation' démontre qu’il est possible de combiner divertissement et messages de prévention (...). Il est nécessaire de renforcer l’intégration des initiatives d’éducation par les pairs dans les actions institutionnalisées d’éducation à la sexualité" mais "les jeunes restent peu impliqués dans la co-construction des politiques qui les concernent."
... et sur la formation des éducateurs.
"Il apparaît nécessaire au CESE que toute personne en contact avec les enfants soit formée car l’EVARS ne s’improvise pas. Sa construction doit obligatoirement se faire sur un tronc commun de connaissances et de pratiques associées à des valeurs communes permettant in fine de réduire les risques que des intervenantes et intervenants ne profitent des interventions pour diffuser des conceptions contraires aux objectifs d’égalité entre les femmes et les hommes."
Le CESE s'interroge sur les lieux où cette éducation peut être donnée
"Les colonies de vacances sont également un lieu d’expérimentation et d’émancipation pour les jeunes dans lesquels il s’avère que l’EVARS n’est pas toujours pensée à sa juste mesure (...). L’attitude des éducateurices envers la mixité, l’usage de préservatifs, la sexualité des jeunes en général est d’autant plus hétérogène que les consignes venues de l’encadrement, et particulièrement des services de l’État (SDJES Services départementaux à la jeunesse, à l’engagement et au sport, DRAJES Direction régionale académique à la jeunesse, à l’engagement et au sport) peuvent être contradictoires. Pire, en cas de problème, les process de signalement restent confus et peuvent se retourner contre la personne qui donne l’alerte."
"Au sein de l’Éducation nationale, l’EVARS doit être intégrée dans le socle de connaissances, de compétences et de culture, de l’école au lycée, dont les connaissances et compétences doivent être évaluées", mais "notre système scolaire est basé sur la compétitivité, la concurrence, l’enseignement 'descendant' du professeur ou de la professeure à l’élève. Le gouvernement actuel met d’ailleurs beaucoup l’accent sur l’ordre et l’autorité comme gages de progrès scolaire. Dans d’autres pays qui, selon les résultats des enquêtes PISA, montrent qu’ils ont de bien meilleurs résultats scolaires, l’école n’est pas envisagée sous cet angle hiérarchisé et autoritaire, tout au contraire
Les préconisations du CESE ici