Enseignement Agricole : une rentrée “avec pas grand chose“ (SNETAP-FSU)
Paru dans Scolaire le mercredi 04 septembre 2024.
C'est une rentrée “avec pas grand chose“ pour l'enseignement agricole, déplore Frédéric Chassagnète mercredi 4 septembre dans un contexte d'attente de la nomination du premier ministre et de la formation d'un nouveau gouvernement.
Le co-secrétaire général du syndicat FSU des personnels de l'enseignement agricole public fait état d'une certaine “frustration“ de la profession, au regard d'un manque de “visibilité“ sur la question du budget 2025, une “situation déstabilisante“ face à laquelle, estime-t-il, “notre communauté devra être extrêmement soudée“.
Autre élément d'incertitude, la Loi d'orientation et d'avenir (LOA) qui a été votée par les députés avant de se retrouver, comme beaucoup de travaux parlementaires, suspendue. Si elle était “très très insuffisante“, souligne Laurence Deltraix, également co-secrétaire générale de l'organisation syndicale, “elle posait des lignes“. C'est notamment le cas avec la signature de contrats territoriaux destinés à soutenir 200 classes à faibles effectifs et à en ouvrir 100 nouvelles d'ici à 2030. Elle cite également la volonté d'augmenter le niveau de qualification des élèves avec l'instauration d'un diplôme de niveau bac+3. Une ambition de relever le défi du renouvellement des générations qui fait partie des préoccupations du ministre démissionnaire, reconnait-elle, seulement “sans loi c'est largement moins engageant“.
En cohérence avec cet enjeu, le SNETAP-FSU signale d'ailleurs la mobilisation intersyndicale pour empêcher la fermeture du lycée agricole de Velet (71), dans l'espoir de maintenir un “tissu“ de petits établissements dans des campagnes dont les habitants “se sentent délaissés“. Pour Frédéric Chassagnète, la disparition de ces services publics (comme la Poste), là où les jeunes sont peu mobiles, c'est “tourne(r) le dos à des campagnes vivantes“, alors que les dernières élections ont pu montrer une forte poussée du Rassemblement national. Dans cet objectif, un appel national (reprenant un amendement déposé par les écologistes lors du vote de la LOA à l'assemblée) devrait être lancé pour demander un moratoire sur l'ensemble des fermetures des établissements agricoles jusqu'en 2030.
La crainte de fermeture est également aggravée en raison de fortes difficultés financières dans certains établissements de l'enseignement agricole, dues à des “objectifs économiques“ à tenir du fait de leur statut d'exploitations agricoles. Le SNETAP-FSU souhaiterait que les unités économiques de production deviennent des unités “pédagogiques“, ce qui implique des moyens pour assurer leur développement, mais aussi de favoriser l'accompagnement pédagogique en transformant le statut des ouvriers (de droit privé) en statut public.
La rentrée scolaire, c'est également la mise en place du “Choc des savoirs“ auquel le syndicat FSU s'oppose (de même que pour le Pacte enseignant), lui préférant un “Choc des moyens“ alors que “l'austérité budgétaire annoncée dans les lettres plafonds“ serait plutôt le symbole d'une forme de “faillite“ avec des “répercutions très concrètes“ dans les établissements agricoles. Par exemple, les crédits de remplacement des enseignants seraient “déjà quasiment épuisés à ce jour“ (parmi les postes vacants, 30 % le seraient toujours en cette rentrée), tandis que certaines classes “ne pourront pas être dédoublées“ en raison d'enveloppes contraintes. D'autant que cette faillite, poursuit Laurence Deltraix, est également administrative, “fruit d'une longue période de suppression d'emplois, y compris dans certains services du ministère“ entaînant des difficultés, comme pour l'écriture d'un nouveau cadre d'emploi pour les AESH.
Si l'expérimentation des “prépa-lycées“, mesure emblématique du Choc des savoirs, débute dans les lycées gérés par l'Education nationale, ce ne serait pas le cas dans l'enseignement agricole, notamment en raison d'une “impréparation“ et d'un manque de moyens. Surtout, fait valoir Laurence Deltraix, “30 % à 50 % de jeunes en seconde dans les établissements agricoles n'ont pas le diplôme national du brevet : ça veut dire (si le dispositif perdure) qu'on dépouille nos classes“. La mesure (gelée) conditionnant l'entrée au lycée à l'obtention du DNB compliquant encore davantage l'équation.
Enfin, l'école inclusive et citoyenne fait partie des préoccupations majeures de l'organisation syndicale en ce mois de septembre. Frédéric Chassagnète fait valoir la nécessité d'un enseignement à mettre en place, autour des valeurs de la République, pour répondre à des propos sexistes, racistes, ou de genre, et à la progression du Rassemblement national. Il faut donc mettre en place “des savoirs“ et non pas seulement une sensibilisation dans le cadre de stages collectifs, “faire bouger les choses“ pour arriver à une base minimum d'heures “sanctuarisées“. Selon une recommandation, 0,25h pourraient être mis au crédit de l'EMC dans la grille horaire de 2025. En outre, si des questions socialement vives (autour de la transition écologique, des cancers environnementaux ou encore du bien-être animal) sont posées par certains élèves, Laurence Deltraix considère que des contestations peuvent venir “de l'extérieur“ avec une sorte de “pression du monde agricole très souvent représenté dans nos conseils d'administrations“. Un “observatoire de la liberté pédagogique“ devrait voir le jour pour faire face à ces inquiétudes.