Pass Culture : les impacts de la part individuelle sur les pratiques culturelles des 15-18 ans “apparaissent contrastés“ (IGAC)
Paru dans Périscolaire, Culture le lundi 22 juillet 2024.
“Les impacts sur les pratiques culturelles des bénéficiaires du dispositif apparaissent contrastés“ estiment Guy Amsellem et Nicolas Orsini dans un rapport sur les impacts de la part individuelle du pass Culture publié mardi 16 juillet.
Recours
La mission d'évaluation menée par l'inspection générale des affaires culturelles (IGAC) constate tout d'abord qu'avec la généralisation puis l'extension du pass Culture, désormais accessible aux jeunes de 15 à 18 ans, le taux de recours à l'application mobile a augmenté, passant de 73 % pour les générations nées en 2003 à plus de 81 % pour celles nées un an après.
Cependant, “des variations territoriales significatives“ apparaissent, avec des taux de recours nettement plus élevés à Paris (98 %) en Haute-Garonne (89 %), en Gironde ou encore en Indre-et-Loire (86 %) pour la génération née en 2003 par rapport à la moyenne nationale (73 %). A l’inverse, il est particulièrement bas à Mayotte (4 %), en Guyane (15 %) ou bien en Haute-Corse (39 %).
Diversification
Seulement pour les quelque 3,2 millions de jeunes ayant activé leur crédit (380€ au total), la diversification des pratiques culturelles ne semble pas tout à fait au rendez-vous, au regard de la “domination du livre“ qui représentait 84 % des offres sur la plateforme entre octobre 2023 et février 2024 (un chiffre néanmoins en baisse de 14 points par rapport à la première consultation). Suivent la musique enregistrée avec 15 % des offres et, pour les 1,4 % d'offres restantes, une répartition entre cinéma, beaux-arts, film, spectacle, achats d’instruments, musique live, etc..
C'est donc en toute logique que le livre représente 71 % du nombre de réservations. Le rapport mentionne tout de même une diminution, dans la période récente, de la part des catégories “manga“ et “bande dessinée“. Le cinéma compte pour 12 % des réservations et la musique enregistrée 5 %, les autres items (carte musée, spectacle vivant..) allant de 0,6 à 3 %. L’analyse territoriale de ces réservations révèle en revanche que “certains bénéficiaires consomment largement en dehors de leur département de résidence“, notamment s’agissant des sept départements franciliens hors Paris et des départements ruraux (Alpes-de-Haute-Provence, Ardèche, Ariège, Creuse, Eure, Gers...), ce qui pourrait signaler “un effet de la disponibilité de l’offre culturelle sur la consommation.“
Service public et pratiques culturelles
Surtout, les deux inspecteurs du ministère de la culture considèrent que la capacité du pass à transformer les pratiques culturelles “apparaît incertaine“ du fait de la “persistance d’un lien fort (..) entre les pratiques culturelles et le milieu social d’origine“. A titre d'exemple, alors que le taux de téléchargement de l’application est de 83 % en moyenne, celui-ci monte à 87 % chez les répondants dont les parents sont diplômés de l’enseignement supérieur, contre 67 % chez ceux dont les parents ont le certificat d’études primaires.
En outre, ils jugent que la capacité du pass Culture à atteindre ses objectifs de service public “ne peut être démontrée“. En effet, malgré une “intensification des pratiques culturelles des bénéficiaires, liée à l’utilisation du pass Culture comme outil de découverte“ qui les a conduits à se rendre dans de nouveaux lieux avec le pass avant d'y retourner sans l'utiliser, et outre le souhait de certains de poursuivre ces activités quand il ne sera plus valable, en réalité le caractère durable du dispositif “apparaît incertain“. Ainsi, “faute de pouvoir établir que l’utilisation du pass Culture favorise la réduction des écarts de pratiques culturelles entre milieux sociaux, l’existence d’effets d’aubaine ne peut être exclue“, poursuivent les inspecteurs des affaires culturelles.
Et si le dispositif semble positif pour les salles de cinéma et les librairies, “activement impliquées dans la programmation d'activités culturelles organisées par le pass Culture“, son impact serait plus nuancé pour les festivals et les acteurs des musiques actuelles “qui soulignent le caractère chronophage de la gestion d’une billetterie spécifique et estiment que le pass Culture devrait jouer un rôle plus actif dans la diversification des pratiques, en incitant les bénéficiaires à explorer de nouvelles esthétiques“, ou encore “plus attentiste pour les institutions patrimoniales et les acteurs du spectacle vivant, qui mettent en avant un manque de clarté des offres qui les concernent sur l’application.“
Algorithme
La mission consacre enfin une partie de son rapport aux systèmes algorithmiques de l’application mobile et web, qui “doivent être améliorés“. Par exemple, la recommandation manuelle (éditorialisation) “sur-représente le cinéma“, propose proportionnellement “moins de contenu gratuit que la recommandation algorithmique“ et “ne semble pas pilotée par la donnée“ avec certaines pages d’accueil spécialisées “massivement montrées aux utilisateurs malgré des taux de réservation très faibles“. De son côté, la recommandation algorithmique “est insuffisamment efficace“ et “affiche une performance très inégale selon les catégories d’offres et privilégie les offres virtuelles et gratuites.“
Dès lors, et parmi les 10 préconisations que formule la mission, le pilotage stratégique de la recommandation pourrait être amélioré “en simplifiant l’approche utilisée en matière de diversification, en répondant mieux aux attentes des utilisateurs par une politique plus rigoureuse de tests d’efficacité, et en s’efforçant de mieux connaître leurs pratiques afin d’affiner le modèle de sélection et de classement.“
Le rapport ici