Jour de carence pour les personnels de l'Education nationale : “l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë“ (INSEE)
Paru dans Scolaire le jeudi 18 juillet 2024.
Les personnels de l'Education nationale, qui représentent quelque 16 % des agents de la fonction publique, ont connu la décennie passée une série d’“expériences naturelles“ concernant le jour de carence, fait valoir Mélina Hillion dans une note de l'Insee publiée mercredi 17 juillet.
Disposition
La disposition, qui permet de recevoir une indemnité ou un maintien de salaire pendant une interruption temporaire d'activité pour des raisons de santé, a en effet été supprimée en 2012, réintroduite en 2014 avant d'être de nouveau supprimée en 2018. De quoi permettre à la chargée d'études à l'Insee d'analyser les effets du jour de carence à propos des données recueillies sur ce temps long.
Elle constate par exemple une “augmentation continue du nombre de jours de congés de maladie ordinaire chez les personnels du secteur public de l’Éducation nationale entre 2013 et 2017“, passant en moyenne de 6,4 jours à 7,4 jours.
En outre, près de 43 % des agents de l'Éducation nationale ont été absents entre 2006 et 2019 pour cause de maladie ordinaire au moins un jour en moyenne au cours d’une année scolaire, tandis qu'un agent connaît en moyenne 6,7 jours d'absence pour maladie ordinaire par an. Autre enseignement, “la fréquence des absences diminue mais leur durée augmente avec l'âge des salariés“. Et les femmes sont plus souvent et plus longtemps absentes pour raison de santé (7,5 jours par an contre 4,8 chez les hommes), tout comme les personnels qui exercent dans un établissement d’éducation prioritaire (7,2 jours par an contre 6,6 hors EP).
Carence vs absences
Pour Mélina Hillion, “cette mesure a entraîné en moyenne une diminution de 23 % de la fréquence des absences“ : l’effet estimé est de -44 % pour les épisodes d’un jour, -26 % pour les épisodes de deux jours, -25 % pour les épisodes de trois jours, -12 % pour les épisodes de 4 à 7 jours, -4 % pour les épisodes de 8 à 14 jours et -1 % pour les épisodes de 15 jours à 3 mois. Il n’est pas significatif au delà.
Les résultats montrent par ailleurs que les femmes et les personnels travaillant dans le réseau d’éducation prioritaire, évoqués en amont, “réduisent (..) davantage la fréquence de leurs absences lorsque cette mesure est appliquée“. Seulement, poursuit la chargée d'études, “ces populations continuent de présenter un nombre d’épisodes d’absence pour maladie ordinaire plus élevé que les autres catégories de la population, et sont donc davantage pénalisées financièrement par l’application du jour de carence.“ Ainsi, “ces comportements d’absence peuvent refléter des disparités d'état de santé ou d'exposition à des risques professionnels qui subsistent en présence du jour de carence.“
Surtout, si la fréquence des absences diminue lorsque le taux de remplacement du salaire décroît, conclut l'économiste, “l'efficacité économique et sociale de ce type de mesure est a priori ambiguë“, et ce par le fait qu'elle peut notamment “entraîner une détérioration de l’état de santé (aggravation des symptômes, du risque de rechute), ainsi qu’une hausse des dépenses publiques associées.“
La note ici