Les compétences psychosociales au lycée professionnel, difficiles à définir et difficiles à intégrer (IGESR)
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 04 juillet 2024.
“Les compétences psychosociales ne sont pas suffisamment mises en avant dans la plupart des cursus de formation. Au mieux, elles sont considérées comme des à-côtés sur lesquelles il est peu important d’agir dans un contexte académique“, estiment sept inspecteurs généraux de l'Education nationale dans un rapport sur le développement des “CPS“ au lycée professionnel publié le 3 juillet.
Pour la mission, il s'agit en effet “de corriger une situation non seulement paradoxale pour l’enseignement professionnel au regard des caractéristiques du public accueilli et du savoir-faire des enseignants, mais aussi préjudiciable pour des élèves aujourd’hui sollicités dans leur capacité à construire et à mobiliser des compétences plus transversales dans une pluralité de situations et ainsi d’améliorer leur chance de réussite et d’insertion professionnelle.“
Définition
Déjà, un certain flou est constaté autour de la notion de CPS, polysémique “tant en France qu’au niveau international“ (entrepreneuriat pour les uns, coopération et collaboration pour les autres, santé, bien-être, estime et confiance en soi), ce qui induit une variété de priorités dans les différents programmes qui prévoient leur renforcement, mais qui à l'inverse “fait clairement obstacle au développement d’une culture commune, aujourd’hui nécessaire pour une prise en compte effective des CPS dans le cadre programmatique de la formation des lycéens professionnels.“
Surtout que dans “un contexte de succession de réformes dont la cohérence d’ensemble échappe encore parfois aux acteurs censés les mettre en œuvre“, font valoir les inspecteurs généraux, “d'aucuns craignent que ces compétences que l’on a parfois du mal à définir viennent supplanter ce qui leur parait plus essentiel, à savoir les compétences académiques et techniques“.
Attentes
Pourtant, celles-ci “sont en phase avec les attentes d’un monde professionnel confronté à de nombreux défis inhérents notamment à l’adaptation aux progrès rapides des technologies, comme l’intelligence artificielle et l’automatisation, qui transforment les emplois et les compétences requises.“ S'y ajoutent les transitions numérique, écologique, énergétique et environnementale “qui exigent une évolution et une adaptation continue vers des pratiques durables affectant tous les secteurs de l’activité humaine et a fortiori l’individu lui-même, dans un contexte où le bien-être au travail et la santé mentale revêtent une importance croissante.“
Or “quelle que soit l’approche retenue concernant les programmes ou interventions probantes sur le développement des CPS, pour l'IGESR force est de constater qu’aucune recherche n’a à ce jour montré l’efficacité de pratiques et de programmes de formation développés dans la voie professionnelle“. Les auteurs insistent donc “sur la nécessité d’adopter une démarche de valorisation des CPS qui soit respectueuse à la fois du contexte dans lequel elle s’insère et des initiatives déjà engagées en ce sens“, sachant l'importance pour les élèves de la qualité des relations aux enseignants qui “contribue à donner du sens à leur expérience en LP et leur ouvre de nouvelles perspectives dont, pour certains, la possibilité de renouer avec l’estime de soi et d’investir le registre des apprentissages.“ Il convient également d' “ancrer leur renforcement dans le cadre des pratiques au quotidien et de s’appuyer sur la dynamique créée par l’expérimentation ProFAN-Transfert“ (formation continue qui vise à consolider, enrichir et développer les gestes pédagogiques, les compétences coopératives et collaboratives des enseignants et formateurs pour l'entraînement au travail en équipe, ndlr).
Conditions et préconisations
La mission formule 14 préconisations pour permettre un meilleur développement des CPS au lycée professionnel. Parmi ces dernières, il est par exemple question d'aménager en début de formation “un SAS d’intégration pour les élèves“, en centrant les activités de l’élève sur un “renforcement de l’estime de soi“ ainsi que sur l' “appropriation du nouveau cadre dans lequel il est appelé à se former“. Il s'agit encore de “formaliser les conditions d’accueil des familles et d’installation d’une co-éducation dans le cadre du projet d’établissement“, de “développer des projets citoyens concrets au sein du LP“, d'encourager le bénévolat, de redynamiser la participation lycéenne, d'identifier et attester les CPS mobilisées dans le cadre du parcours de préparation ‘post-baccalauréat‘ ou bien d' “orienter la préparation des PFMP vers le développement des compétences psychosociales et l’intégration en milieu professionnel.“
Elle ajoute 12 conditions pour que les CPS se développent à grande échelle, notamment d'en faire “un objet de convergence de la construction de la culture commune entre les personnels de l’enseignement général, de l’enseignement professionnel et des personnels qui participent à la formation des élèves et des apprentis en entreprise.“ Le discours sur les compétences psychosociales devra être rééquilibré “en atténuant l’approche santé / ‘psy‘ au profit des dimensions éducative, pédagogique et formative“, et ancré dans la réalité des établissements et des pratiques professionnelles en les “inscrivant dans les contenus pédagogiques et didactiques de manière à en faire un levier favorisant l’articulation entre enseignement et apprentissage.“ Il s'agit enfin de tenir compte du rôle que joue le corps, “média de communication par lequel s’expriment les émotions“, dans les situations d’apprentissage.
Le rapport ici