Groupes de besoins : des "enseignements communs" peuvent être différenciés (ministère)
Paru dans Scolaire le mercredi 03 juillet 2024.
Plusieurs organisations syndicales, la FSU, l'UNSA (le SE pour l'enseignement public et le SNEP pour l'enseignement privé), la CFDT, le SNCEEL, la FCPE ainsi que des parlementaires ont demandé au Conseil d'Etat d'annuler l'arrêté du 15 mars 2024 relatif à l'organisation des enseignements dans les classes de collège et la note de service relative aux "groupes de besoins". Ils font notamment valoir que la répartition des élèves dans des classes et des groupes est une prérogative des établissements.
ToutEduc a eu accès à l'argumentation juridique du ministère de l'Education nationale en réponse. La direction des affaires juridiques fait d'abord valoir que les enseignants sont des fonctionnaires qui "n'ont pas qualité pour attaquer les mesures relatives à l'organisation ou à l'exécution du service, sauf lorsqu'elles portent atteinte à leurs droits et prérogatives ou affectent leurs conditions d'emploi et de travail. Or, l'article 4 de l'arrêté attaqué, qui se borne à prévoir que les enseignements de français et mathématiques seront dispensés en groupes constitués en fonction des besoins des élèves, ne porte aucunement atteinte aux droits et prérogatives que les professeurs exerçant dans les collèges publics et privés sous contrat d'association tiennent de leur statut." Quant aux organisations syndicales, elles ne peuvent "attaquer une décision que dans la mesure où celle-ci porte atteinte aux intérêts collectifs de ses membres".
L'étendue des pouvoirs du/de la ministre
Mais l'essentiel de l'argumentation porte sur les pouvoirs conférés au/à la ministre. La DAJ reconnaît que le Conseil d'Etat n'a pas admis "expressément" la compétence du/de la ministre pour prévoir que certains enseignements doivent être dispensés "en groupes à effectifs réduits ou constitués en fonction des besoins des élèves", mais elle estime que la Haute juridiction l'a admis "implicitement". Il invoque les L. 311-2 et D. 332-4 du code de l'éducation qui prévoient que l'organisation et le contenu des formations sont définis par des décrets et des arrêtés. Or "certaines modalités de mise en œuvre de ces enseignements, ne sont pas détachables des matières, horaires et programmes (...). Nombreux sont d'ailleurs les exemples d'arrêtés relatifs à l'organisation et aux horaires des enseignements qui prévoient que certains enseignements sont dispensés en demi-classe ou à des groupes à effectifs réduits (...)." C'est d'ailleurs le cas des textes relatifs aux modalités de mise en oeuvre de l'éducation sexuelle. "Les moyens tirés de l'incompétence de la ministre (...) ne pourront donc qu'être écartés."
Les limites de l'autonomie
Quant à l'article D. 332-5 du code de l'éducation qui prévoit que la mise en œuvre des modalités de différenciation pédagogique "relève de l'autonomie des établissements", il ne concerne que les pratiques pédagogiques et n'a "ni pour objet ni pour effet de (...) restreindre le pouvoir du ministre de définir le contenu des enseignements". Certes les articles L. 421-4 et R. 421-2 prévoient que "l'organisation de l'établissement en classes et en groupes d'élèves ainsi que les modalités de répartition des élèves" relèvent de l'autonomie des EPLE, mais cette autonomie "s'exerce nécessairement de manière subsidiaire à l'intervention du pouvoir réglementaire, y compris celui délégué au ministre".
D'ailleurs, fait encore valoir le ministère, les dispositions prévues "ne portent pas atteinte à l'autonomie dont disposent les établissements dans la détermination du nombre de groupes, de leur composition ou de leur organisation". En ce qui concerne les établissements privés sous contrat d'association, ils "doivent respecter les règles et programmes de l'enseignement public" et sont donc tenus de mettre en place des groupes de besoins.
Des enseignements communs différenciés
L'argumentation ministérielle porte encore sur la notion d' "enseignement commun", les requérants soutenant que "les enseignements de mathématiques et de français, qui seraient différenciés en fonction des besoins des élèves, ne pourraient plus être regardés comme des enseignements communs". Mais si le code de l'éducation impose que "les enseignements obligatoires dispensés au collège comprennent des enseignements communs à tous les élèves, la définition de ces enseignements communs et de leurs caractéristiques relève (...) de la seule compétence du ministre chargé de l'éducation (...). Si le code de l'éducation ne définit pas la notion d'enseignement commun, celle-ci peut s'entendre (...) des enseignements dont le volume horaire et les programmes sont identiques pour tous les élèves." Et aucune des dispositions du code de l'éducation "ne fait obstacle à ce que des enseignements communs soient dispensés à des groupes d'élèves constitués en fonction de leurs besoins". L'article D. 312-17 du code de l'éducation prévoit d'ailleurs que "les enseignements de langues vivantes étrangères peuvent être dispensés en groupes de compétences, indépendamment des classes ou divisions".
Aucun effet sur l'orientation
Le ministère ajoute que "la répartition des élèves dans les groupes constitués en fonction de leurs besoins ne constitue pas une décision d'orientation", et elle est "sans incidence sur les possibilités d'orientation de l'élève".