Le soutien à la parentalité, clé de voute dans la lutte contre les inégalités dès le plus jeune âge (rapport, BreakPoverty)
Paru dans Petite enfance, Scolaire, Périscolaire le vendredi 28 juin 2024.
“Le soutien à la parentalité apparaît comme le parent pauvre des politiques familiales“ estime la Break Poverty Foundation dans un rapport consacré aux inégalités dès le plus jeune âge.
Publié la semaine dernière et présenté au ministère de la Santé, le document fait valoir 9 mois de travail avec l’analyse de quelque 50 travaux de recherche universitaire, les auditions de 20 experts, une enquête qualitative réalisée auprès de 39 familles en situation de pauvreté ou encore le recensement d’une centaine d’acteurs associatifs.
La fondation, dont le travail a été financé par sept mécènes, constate que ces inégalités sont présentes dès le départ, le “poids de la pauvreté“ se retrouvant d’une part au niveau du développement cognitif des enfants, ainsi marqués par un déficit de compétences (langagières, pré-mathématiques et psycho-sociales) dans des domaines “utiles aux apprentissages scolaires“ ; et d’autre part à travers la santé physique et psychique des enfants surexposés à des facteurs de risque (carence alimentaire, pollution, stress, etc.) et qui “s’avère plus fragile que celle des enfants de milieux aisés.“
Ces inégalités, qui tendent à se creuser par la suite, sont notamment dues à une faible fréquentation des modes de garde formels (assistante maternelle et crèches essentiellement) par les enfants les plus défavorisés : 30 % y ont recours contre 80 % des enfants issus des familles les plus aisées. Pourtant, accéder à une crèche “permet de réduire les écarts de développement langagier d’environ 30 % entre les enfants situés en bas et ceux situés en haut de l’échelle sociale.“
Pour le reste (les 70 % restants), c’est l’environnement parental qui sera déterminant dans le développement de l’enfant. En raison de contraintes (financières ou temporelles) plutôt que par méconnaissance, la capacité des parents à appliquer des pratiques “recommandées“ sera altérée. L’enjeu du soutien des familles consisterait ainsi davantage à “réduire les différents stigmates de la pauvreté qui perturbent l’exercice de la parentalité.“ Car pour les enfants, par la production de ces écarts, “ce qui se joue (..) c’est une perte de chances pour le futur“ au regard de “l’aspect prédictif de ces éléments sur la réussite scolaire, la réussite professionnelle et le bien-être futur.“
Or le soutien à la parentalité "apparaît comme le parent pauvre des politiques familiales“, considère la fondation. Les dispositifs d’accompagnement sociaux pilotés par la CNAF (Caisse nationale des allocations familiales) ont une portée “très limitée“, à l’instar des lieux d’accueil Enfants-Parents (LAEP) qui affichent un taux de couverture de seulement 4 % des familles ayant un enfant de moins de 6 ans. Un manque d’ambition qui se remarque également côté financement, avec au total 74 millions d’euros pour les LAEP, les REAAP (Réseaux d’écoute d’appui et d’accompagnement des parents) et la médiation familiale réunis contre 15 milliards dédiés à l’accueil du jeune enfant.
De plus, ces dispositifs manquent d’accessibilité, ils “atteignent (très) peu les plus défavorisés qui n’y voient pas de réponse à leurs besoins fondamentaux à court terme“ (accès au droit à la sureté de la personne, à un logement et à des revenus décents, à un travail ou à la formation). Et en matière de parentalité, les familles interrogées lors de l’enquête ont davantage exprimé le besoin de se sentir moins isolées, d’accéder à un mode de garde adapté à leurs contraintes, mais aussi “à des loisirs gratuits, en particulier durant la tranche d’âge 0-3 ans pour laquelle l’offre est beaucoup moins importante".
Autre préconisation, “renforcer le rôle préventif des PMI en assurant une relation de confiance avec les ménages défavorisés“, du fait que “son rôle préventif s’est peu à peu érodé“ avec 30 à 40 % des missions réalisées "relevant d’autres enjeux" (agrément d’assistantes maternelles, contrôle de professionnelles agréées,...), tandis que “le rôle d’instruction des 'informations préoccupantes' joué par certaines PMI tend à créer une défiance chez les plus vulnérables“.
Conséquence “de la faiblesse des financements publics accordés“, le tissu associatif comporte pour sa part “peu d’acteurs nationaux solidement structurés contrairement au champ de l’insertion professionnelle“, déplore encore le rapport, cette fragilité s’accompagnant d’une forte fragmentation, avec “plusieurs milliers d’associations se réclamant du champ du soutien à la parentalité“.
Le rapport ici