Que serait une éducation juste ? (Revue française de pédagogie)
Paru dans Scolaire le mercredi 05 juin 2024.
Selon le sociologue britannique B. Bernstein, "une action éducative juste (démocratique autant que démocratisante) doit viser à garantir trois droits (...), le droit à l'enhancement (une forme de droit à l'apprentissage et à la construction de soi par l'appropriation d'outils culturels), le droit d'être inclus (garant de singularité et d'individuation) et le droit à la participation", explique Daniel Frandji (Lyon 2) dans son introduction au dossier du dernier numéro de la Revue française de pédagogie. Le chercheur compare cette définition de la justice en éducation à deux autres, celle de Jean-Louis Derouet et celle de François Dubet et Marie Duru-Bellat.
Le premier pose deux conditions pour qu'une école soit juste, elle doit être accessible à tous et il faut qu'il y ait "accord sur le principe de sélection qui permet de passer de l'école pour tous à l'école pour les meilleurs". Pour les seconds, cette école juste doit combiner quatre principes qui atténuent réciproquement leurs effets, le modèle méritocratique, une politique de compensation (ou de "discrimination positive"), la garantie d'un minimum de ressources et de protection des plus faibles, une certaine indépendance de la sphère scolaire.
Jean-Yves Rochex (Paris 8) examine comment s'opposent "une logique de performance et d'efficacité" et "une logique d'accueil et de reconnaissance de la diversité des personnes que sont les élèves" et il constate que "l'exacerbation des enjeux scolaires et le souci de la performance se manifestent de plus en plus précocement, confrontant par exemple les élèves de l'école maternelle à des exigences accrues". Et il s'interroge. Le modèle de Bernstein a pour les chercheurs "une puissante vertu heuristique", mais "il y a loin du modèle théorique aux réalités". Pour sa part, Sidonie Sauvignat (Lyon 2) s'inquiète de ce qu'il faut entendre par "participation" et elle prend l'exemple d'une sortie au musée. Les enfants sont invités à exprimer leurs opinions, à dire ce qu'évoque pour eux telle oeuvre d'art plutôt que d'acquérir un savoir sur l'oeuvre elle-même. Anne Barrère (U. Paris-Cités) pose une autre question, "que seraient des droits qui n'intéresseraient pas ceux qui en sont les destinataires ?" L'offre de participation est "souvent peu revendiquée par les élèves, quand elle n'est pas subie comme une injonction à l'engagement", d'autant qu'elle est "sans enjeu réel en termes d'évaluation ou de parcours scolaire".
Revue française de pédagogie n°220, 154 p., 18€