L'Education nationale est sous-administrée, quoi qu'on en pense (Olivier Paccaud, sénateur)
Paru dans Scolaire le jeudi 23 mai 2024.
"N'étant pas en contact direct avec les élèves et les familles", les personnels administratifs de l'Education nationale "sont peu connus" et d'ailleurs "aucun rapport parlementaire, d’inspection générale ou de la Cour des comptes n’a été consacré au cours des vingt dernières années à l’administration de l’Éducation nationale", note le sénateur (apparenté LR) Olivier Paccaud. Celui-ci publie, au nom de la commission des finances, ce 23 mai son rapport sur "les personnels administratifs : rouages essentiels mais méconnus de l’Education nationale".
Pour lui, l'Education nationale est "largement sous administrée". Il dénonce d'ailleurs les faux procès qui sont faits à l'Ecole, comme le Figaro qui comptait récemment 250 000 personnels qui ne sont "jamais devant élèves", mais en oubliant de mentionner que sont ainsi comptés tous les personnels non-enseignants, y compris les AESH, les AED, les CPE ou les personnels de direction. En réalité, ces personnels administratifs "représentent 4,3 % des effectifs totaux de l’éducation nationale, soit 51 757 emplois en équivalents temps plein (ETP) en 2022" pour les 1 204 631 ETP que compte l'Education nationale, soit 6 ‰, un nombre relativement stable depuis 2015, mais après une chute importante des effectifs entre 2007 et 2015. Leur proportion est "cinq fois moins élevée qu’au ministère des armées", elle est de 20 ‰ au ministère de l’économie. Le rapporteur note aussi qu'ils sont payés en moyenne 360 euros bruts de moins par mois que les agents d’autres administrations.
Six sur 10 de ces agents "ont un poste en établissement", pour moitié en collège, l'autre moitié en lycée. Les attachés d’administration de l’État se voient confier "la gestion administrative, matérielle, financière et comptable d’un ou plusieurs établissements. Les secrétaires administratifs de l’éducation nationale "sont chargés des tâches administratives d’application, notamment dans les domaines des ressources humaines, logistiques, financiers ou comptables. Les adjoints administratifs de l’éducation nationale peuvent avoir des fonctions d’accueil et de secrétariat."
20 % des personnels administratifs sont dans des rectorats, 13 % dans des directions départementales ou les circonscriptions du 1er degré, 3 % (1 758 ETP) en administration centrale, les derniers 3 % sont affectés chez les opérateurs de l'Education nationale. Le rapporteur souligne qu'ils sont inégalement répartis, les taux d'encadrement dans les les académies de Corse, de la Guadeloupe, de la Martinique, de Limoges ou de Paris étant très supérieurs (d'au moins 60 %) à ceux des académies de Versailles, Créteil, Lyon, Nice, Nantes ou encore de la Guyane et Mayotte. Par ailleurs, l'importance croissante du nombre des agents contractuels amène aussi des interrogations sur leur gestion et leur turn over. En 2021, 44 % d'entre eux avaient moins d’un an d’ancienneté, seuls 14 % bénéficiaient d’un CDI !
Au-delà de ces données chiffrées, le rapporteur évoque leurs conditions de travail. "Les réformes pédagogiques impliquent souvent une évolution de l’organisation en établissement scolaire (...). Le poids de l’ingénierie des réformes repose en partie sur les personnels administratifs." Il note aussi que si les enseignants connaissent évidemment les personnels administratifs qui sont dans leur établissement, ils perçoivent le rectorat "comme lointain, opaque ou encore complexe et n’est bien souvent un interlocuteur qu’en cas de problème grave ou dans le cas spécifique de l’organisation des examens". Même les personnels de direction ne trouvent pas toujours un interlocuteur et Olivier Paccaud recommande de "mettre en place au sein des rectorats des référents territoriaux facilement identifiables par les personnels en établissements scolaires, constituant une porte d’entrée vers les différents services".
Autre source d'interrogations, la "loi 3DS" qui a instauré une autorité fonctionnelle de la Région ou du Département à l’égard du secrétaire général d’EPLE (auparavant "adjoint gestionnaire" du chef d'établissement) : "Dans ce cadre, chaque EPLE doit théoriquement signer avec la collectivité territoriale (...) une convention bilatérale déterminant les conditions d’exercice de cette autorité fonctionnelle (…). Interrogé à ce sujet, le ministère de l’éducation nationale ne dispose pas d’un recensement de l’ensemble des conventions passées (...). Le lien entre les collectivités territoriales et les EPLE gagnerait toutefois à être approfondi sur d’autres aspects, notamment concernant l’organisation du temps périscolaire."
Le rapporteur souligne également les difficultés générées par deux programmes. RenoiRH, système interministériel de gestion des ressources humaines "a impliqué un changement de métier et d’organisation important pour de nombreux personnels administratifs" tandis que le programme Op@le qui sert à la gestion financière et comptable "ne permet plus de prendre les mêmes souplesses qu’auparavant avec les règles de la comptabilité publique, de sorte que, pour être efficace, la formation à l’outil doit être cumulée avec des formations 'métiers' juridiques". En outre, souligne O. Paccaud, la lutte contre le harcèlement ou le respect de la laïcité, "impliquent de former à grande échelle et rapidement les agents administratifs". Or les moyens dévolus à la formation continue des personnels administratifs s’avèrent insuffisants. Il faudrait "renforcer le cadre effectif d’accès des personnels administratifs à la formation continue tout au long de leur carrière, notamment par le développement de formations d’initiative locale".
Le rapport ici