SNU : les encadrants pointent du doigt des conditions de recrutement "formidables" (INJEP)
Paru dans Périscolaire le mercredi 15 mai 2024.
Le recrutement est toujours “une difficulté importante pour une majorité de centres“ constate l'INJEP dans son dernier rapport consacré au Service National Universel (SNU) publié mardi 14 mai.
Il s'agissait, au travers de cette nouvelle enquête, de recueillir “la perception et l’avis des personnels qui participent directement au déploiement opérationnel et pédagogique des séjours“ : 2 384 encadrants y ont répondu (un taux de 60 %), auxquels s'ajoutent 39 participants à des "focus groups" qualitatifs.
Les encadrants se divisent entre fonctions de direction (chef de centre, adjoint pédagogique et adjoint d’encadrement), d’encadrement (cadre de compagnie, tuteur) et de soutien (intendant, référent sanitaire et référent sport et cohésion). Les tuteurs représentent 63 % des équipes encandrantes, celles-ci étant mixtes (51 % de femmes), “relativement qualifiées“ (66 % ont au moins une licence) et plutôt jeunes (30 ans de moyenne d’âge). Plus de la moitié des encadrants sont étudiants (56 %), un quart des personnels cumulent une activité professionnelle (emploi ou formation) avec l’encadrement d’un séjour de cohésion, 11 % sont en recherche d’emploi et 9 % sont retraités. Par ailleurs, 26 % des encadrants ont travaillé dans un corps en uniforme et 55 % “affirment avoir candidaté avant tout par intérêt pour le SNU et par volonté de s’engager dans un projet national en faveur des jeunes“.
Recrutement et formation
Cependant l'année dernière “l’information et la mobilisation des potentiels encadrants se font encore majoritairement par le bouche-à-oreille“, indique l'institut national de la jeunesse et de l'éducation populaire qui ajoute que ““des tensions sur les métiers de l’animation et du champ sanitaire rendent difficiles les recrutements (en particulier dans la fonction de référent sanitaire).“
En effet, cette fonction “doit être occupée par un infirmier diplômé d’État (IDE). Or, le métier est sujet à d’importantes tensions dans les recrutements sur le territoire national, qui affectent également les séjours de cohésion du SNU. Aussi, lors des séjours de 2023, comme lors des années précédentes, il a été fréquent que cette fonction soit pourvue ‘à la dernière minute‘. Cette difficulté de recrutement impacte à la fois la préparation des séjours sur le plan sanitaire, l’intégration des référents sanitaires dans les dynamiques d’équipes (ces derniers étant régulièrement absents des périodes de formation en amont des séjours) et la sérénité avec laquelle s’aborde la préparation des séjours“.
Ainsi pour ce chef de centre, “les recrutements des cadres spécialisés ont été formidables (sic) : l’infirmière est arrivée deux jours avant de début, un délai très court pour prendre connaissance de toutes les fiches sanitaires, avec des jeunes avec des traitements très lourds ; certains sont d’ailleurs rentrés chez eux, ça aurait pu être mieux préparé, anticipé.“
De quoi considérer que “la montée en charge du SNU et la récurrence des séjours à différentes périodes de l’année induisent une pression supplémentaire sur les recrutements des référents sanitaires, et la fidélisation des mêmes professionnels sur cette fonction est particulièrement compliquée.“
Ces tensions de recrutement pèsent d'autant plus “sur la qualité des profils recrutés“, identifiées comme “un point sensible de l’organisation des séjours“. L'INJEP explique à ce titre qu'une part importante des recrutements “est effectuée de manière tardive et précipitée“ en raison de désistements de dernière minute, parfois jusqu’à la veille du début des séjours, une situation “récurrente depuis la phase de préfiguration du SNU en 2019“ et qui conduit encore en 2023 certains centres “à recruter des encadrants peu qualifiés (30 % des tuteurs n’avaient pas d’expérience dans l’encadrement de séjours collectifs de mineurs) sans toujours avoir les moyens de garantir une formation minimum en amont, eu égard aux recrutements tardifs et à l’impossibilité pour les encadrants de se joindre aux temps dédiés.“
Par exemple, cette cadre de compagnie pointe “des recrutements de dernière minute, à la suite de désistements ou des personnes qui ne sont pas venues sur la semaine de préparation. A priori c’était déjà le cas sur les séjours précédents. Forcément ça se ressent sur la cohésion d’équipe et sur les compétences“, tandis que cette autre s'est “retrouvée confrontée à un vrai problème d’encadrement des tuteurs, trop jeunes et trop immatures (..) pour assumer ce rôle. Ils avaient parfois peu d’écart avec les jeunes encadrés, ça pose un vrai sujet sur le recrutement.“
Concernant leur formation justement, les personnels encadrants identifient comme axe d’amélioration le périmètre “qui ne couvre pas l’ensemble des enjeux et des compétences attendues dans le cadre des séjours“, notamment “le besoin d’être mieux formé sur les problématiques ayant trait à la santé psychique des adolescents“.
Taux d'encadrement, contrats et délais de paiement
17 % des encadrants ne sont pas satisfaits du taux d'encadrement (1 pour 8 jeunes) au regard des activités extérieures où le nombre “est jugé trop faible pour garantir la sécurité effective des jeunes.“ Ils soulignent plus globalement “de fortes inquiétudes sur l’adaptabilité de l’encadrement tel qu’il est pensé aujourd’hui dans le contexte de la montée en charge du SNU et du poids possiblement accru des jeunes non volontaires dans les séjours“ et sont préoccupés “par l’application des sanctions, la mobilisation d’un conseil de discipline, la surveillance de proximité des activités extérieures/dans les internats, la gestion de la laïcité, etc. : autant de cas de figure qui jusqu’à présent n’ont été que très peu expérimentés sur les séjours de cohésion.“
Les encadrants sont encore 41 % à se dire insatisfaits des délais de paiement à l’issue des séjours, mais ils critiquent également le CEE, contrat d’engagement éducatif signé par 80 % d'entre eux en 2023. Ce dernier entraverait la pérennisation des équipes encadrantes en restreignant l’activité à 80 heures par an et en freinant la récurrence des séjours. A cela s'ajoute “l’absence de cadre partagé à l’échelle nationale“ concernant les modalités de calcul des congés compensatoires, “une situation qui continue de générer des frustrations importantes chez les encadrants dans le cadre des séjours SNU réalisés en 2023.“
Quelques témoignages :
- “Limite de 80 jours, astreinte la nuit, présence constante auprès des jeunes. Il faudrait repenser le contrat.“
- “Aujourd’hui si on fait trois séjours on dépasse les 80 jours ! L’année dernière j’ai dû terminer le dernier séjour quelques jours avant la fin !“
- “Concernant les contrats, on a eu une menace de grève des tuteurs auxquels on n’avait pas payé les jours compensateurs. Le sujet est brulant sur les séjours.“
Le rapport ici