Le "désarroi parental contemporain", l'autorité et "l'inquiétude identitaire" dans VEN (la revue des CEMEA)
Paru dans Scolaire, Périscolaire le mardi 14 mai 2024.
L' "inquiétude identitaire" qu'évoque Najat Vallaud-Belkacem et "le signal d'alarme" que tirent les CEMEA "face au formes d'autoritarisme qui se déploient dans la société actuelle" sont deux expressions du sentiment d'urgence qui parcourt le dernier numéro de VEN ("Vers l'éducation nouvelle"). Dans son éditorial en effet, Jean-Baptiste Clerico évoque "les formes d'organisation étatique les plus sombres" qui arrivent au pouvoir "un peu partout dans le monde" et la nécessité, dans ce contexte de poser la question de l'autorité. Celle-ci est "essentielle" pour qu'un groupe "évolue dans un climat serein", mais "il n'y a rien de pire qu'une autorité qui ne remplit pas ses fonctions".
Et cette difficulté à trouver la bonne manière d'exercer son autorité se retrouve au sein des familles dont la nature a été profondément modifiée depuis quelques décennies. "A l'heure où les deux-tiers des enfants naissent hors mariage, c'est l'enfant qui fait famille et non plus l'institution du mariage", d'où "le primat de l'affectif dans les relations conjugales et parentales" et "la remise en question du type d'autorité éducative antérieure, jugée trop répressive", analyse Gérard Neyrand (sociologue). Il poursuit : "Au début des années 2000 se construit une politique de soutien à la parentalité tiraillée entre une conception de l'accompagnement, empathique et soutenante, et une autre, contrôleuse et rééducative (...). Les polémiques entre experts ne peuvent qu'insécuriser les parents en quête de nouveaux repères" et il convient de les aider "à faire le tri parmi la multitude d'injonctions qui leur sont adressées".
D'où aussi la nécessité pour les parents de reconnaître qu'ils "ne peuvent ni ne doivent tout faire" et qu'ils doivent partager leur responsabilité avec d'autres figures parentales, les éducateurs/éducatrices que l'enfant rencontre "à la crèche, sur un stade de foot, en accueil périscolaire ou en colo", estime Daniel Coum (psychologue et psychanalyste) qui rappelle que "la co-éducation suppose que les adultes impliqués, parents et éducateurs, soient respectueux les uns des autres et si possible fassent alliance".
L'ancienne ministre s'inquiète elle aussi des dérives de l'autoritarisme. "On peut sauter sur sa chaise en scandant 'autorité et discipline' mais tout parent sait que cela ne suffit pas". Et elle va plus loin. Elle a "toujours considéré que l'Education nationale et l'Education populaire devaient former non pas seulement des alliances, mais une véritable communauté de l'anneau au service de l'élévation de nos enfants". Mais "quand des imposteurs arrivent, au mépris de toute raison, à convaincre des parents que l'Ecole serait 'en train d'inciter leurs enfants à changer de sexe ou d'orientation sexuelle', on prend conscience de (leur) inquiétude identitaire". Elle situe son propos "dans une période propice aux guerres identitaires".
Le dossier de ce numéro "Etre parent en 2024" situe donc cette question dans une problématique très large, celle d'un désarroi contemporain. Les CEMEA l'évoquent aussi de manière très pratique, avec notamment la description d'un lieu d'accueil enfants-parents dans une vallée perdue des Alpes-maritimes.
VEN, n° 593 (avril - juin 2024), 10€. A noter des ressources complémentaires sur le site Yakamedia.asso.fr