Estonie : description d'un système scolaire qui réussit
Paru dans Scolaire le vendredi 26 avril 2024.
L'Estonie caracole en tête du classement PISA parmi les nations européennes. Or, à entendre le proviseur du "lycée français" de Tallinn (qui n'est pas un établissement français, mais une école-collège-lycée où l'enseignement du français est bien présent), peu de facteurs distinctifs expliquent ce succès. Il était à Paris ce 26 avril, à l'invitation de l'association des journalistes spécialisés en éducation (l'Ajeduc).
Il met essentiellement en avant des raisons culturelles, à commencer par "la mentalité sacrificielle des enseignants" dans un petit pays qui a pour seule ressource naturelle les cerveaux de ses habitants. Historiquement d'ailleurs, dès le XVIIIème siècle, l'Estonie avait créé des écoles en milieu rural, et elle avait au XIXème un taux d'alphabétisation trois fois supérieur à celui des autres populations de l'empire russe. A la question de PISA "pensez-vous que vous pouvez progresser en intelligence ?", ce sont d'ailleurs les jeunes Estoniens qui, parmi les européens, ont le score le plus élevé. Autre motif de son succès, une inquiétude inscrite dans la culture nationale. Le pays est fier de son succès, mais "on ne sait pas si ça va durer". L'estonien enfin est une langue finno-ougrienne, ce qui crée un lien très fort avec la Finlande et quand ils ont été libérés de la tutelle de l'URSS, les Estoniens ont reconstruit leur système éducatif en s'inspirant de leur voisin.
La maternelle n'est pas obligatoire, elle accueille 94 % des enfants qui y apprennent les rudiments de la lecture, de l'écriture et du calcul, mais en jouant. Les parents qui les y déposent le matin, vers 9h, ne leur disent pas comme en France "travaille bien et sois sage" mais "amuse toi bien", note Jaanika Lillemaa, une experte du ministère estonien de l'éducation, également en visite en France. L'école est obligatoire à partir de 7 ans. Comme dans beaucoup d'autres pays, les programmes sont nationaux mais se contentent de définir des buts à atteindre et les établissements ont de larges marges d'autonomie, notamment en ce qui concerne le recrutement des enseignants qui doivent être titulaires d'un master 2, la formation combinant connaissances disciplinaires et pédagogie. Ils organisent aussi librement les enseignements et la répartition des élèves en classe entière (les effectifs sont souvent plus lourds qu'en France), ou en groupes, notamment pour les langues.
A titre d'exemple, au "lycée français", les élèves du niveau correspondant à notre 4ème, ont chaque semaine une trentaine de cours de 45' (2 cours de chimie, 2 de physique, 4 de mathématiques, 2 d'anglais, 3 de russe, 4 de français, 2 d'estonien, 2 de littérature, 2 d'histoire, 2 de biologie, 1 de musique - essentiellement du chant, très important en Estonie -, 1 d'art plastique, 2 de travaux manuels, 2 d'EPS), de 8h45 le matin à 14h30 l'après midi, avec un quart d'heure de pause entre chaque, pas davantage pour déjeuner, mais la cantine est gratuite et tous les élèves déjeunent sur place. Après 14h30, ils ont de nombreuses activités périscolaires, certaines gratuites, financées par la municipalité, d'autres payantes... Les enfants des écoles primaires sont libérés à 12h25, ceux du lycée à 16h, du lundi au vendredi. L'année scolaire compte 13 jours de plus que la nôtre.
Les élèves sont notés de 1 à 5, avec un examen national en fin de 3ème (9ème année dans le système estonien), après quoi 30 % des élèves suivent un cursus professionnel, et un autre en fin de terminale. Ils passent aussi des tests nationaux et standardisés tous les trois ans, tests dont les résultats peuvent déclencher une inspection de l'établissement. Les meilleurs élèves, et tous ceux qui sont volontaires, participent à des "olympiades" qui leur permettent de briller... et de renforcer leurs chances d'être pris à l'Université.
Les établissements reçoivent une dotation en fonction du nombre d'élèves qu'ils utilisent comme ils l'entendent, mais en respectant des enveloppes fléchées salaires des personnels, formation continue des enseignants, achat des manuels...