Wallis-et-Futuna : Accompagnement des élèves et décrochage, les points faibles du système éducatif (IGESR)
Paru dans Scolaire, Orientation le mercredi 24 avril 2024.
C'est dans un “contexte social (..) très tendu au sein du système éducatif“ que Frédérique Weixler a assuré sa mission d'inspection à Wallis-et-Futuna fin 2023 et dont le rapport a été publié lundi 22 avril.
Celle-ci fait état de “revendications statutaires“ de la part de représentants syndicaux du 1er degré, notamment concernant “l’accès direct par voie d’intégration“ au statut de professeur des écoles. Du côté du 2nd degré, il est question d'une “fracture syndicale et communautaire“ chez les enseignants entre le SNES et le SNFOLC concernant le recrutement, l'affectation et la titularisation des nouveaux arrivants, tandis que des conflits apparaissent régulièrement dans différents établissements “au sujet de l’état des locaux et des équipements, voire de la gouvernance.“
L'éducation est pourtant un “défi central“ depuis plusieurs décennies pour les deux archipels qui ont vu s'opérer une “fuite massive des jeunes diplômés ainsi qu’une baisse de la natalité“. L'inspectrice générale note pourtant que les évaluations mettent en évidence “un niveau de connaissances des élèves inférieur à la moyenne nationale“ et que les acquis des élèves “s’avèrent insuffisants avec une faible efficience du système compte-tenu des moyens consentis“.
Parmi les difficultés rencontrées, sont soulignés un “turn-over“ des enseignants et personnels de direction métropolitains qui “fragilise transmission et continuité“, de même qu'il existe “peu ou pas de tableau de bord ou de suivi de cohorte", ce qui la conduit à “parler de gestion plus que de pilotage.“
Accompagnement
Frédérique Weixler considère que la concession historique du 1er degré à la mission catholique en 1969 “fragilise l’accompagnement du parcours de l’élève, puisque le vice-rectorat ne peut pas piloter l’enseignement primaire ni la continuité école-collège“. Dès lors, poursuit-elle, “il n’existe pas de cohérence pédagogique ni de collaboration organisée au service de la persévérance scolaire et de la réussite éducative“, une problématique transversale et entraînant “de nombreuses conséquences en termes de qualité de l’éducation sur le territoire.“
De même l’absence d’un poste d’IEN-IO “se fait sentir au niveau de l’analyse des parcours des élèves et de la répartition dans les filières, notamment en fin de 3ème“, le taux d’orientation étant “très élevé“ en voie professionnelle (et parmi eux en CAP), tandis qu'à l'inverse les taux d’orientation en seconde générale et technologique “sont très faibles par rapport à la moyenne nationale“ et en baisse : 42,5 % en 2023 contre 48,7 % en 2022.
Si les équipes éducatives expliquent la forte orientation vers la voie professionnelle par le manque d’ambition et l’autocensure des familles, il semble au regard du bilan d'affectation dans les trois îles que “les avis des conseils de classe et décisions des chefs d’établissement amplifient ces freins.“
En outre, la “connaissance de la palette des métiers par les élèves demeure très réduite“, et à l’issue de la 2nde GT peu de demandes d’orientation sont constatées vers une 1ère professionnelle sur le territoire. En revanche l'orientation vers une 1ère STI2D “est importante, et plus encore vers la 1ère STMG“, dans le deuxième cas “plus souvent par échec que par choix réel“.
L'inspectrice ajoute que les établissements “n’évoquent pas d’objectif en termes de répartition dans les filières en fin de 3è ou en fin de seconde“ mais que les équipes éducatives “se réfèrent à des représentations concernant les élèves (niveau bas, pas de mobilité, pesanteurs culturelles…) tout en amplifiant l’orientation en voie professionnelle alors qu’un certain nombre de domaines professionnels présente des taux de pression supérieurs à 1,5 qui ne permettent pas aux élèves de s’engager dans la voie ‘choisie‘.“
Accrochage / Décrochage
En lien avec l'orientation se positionnent les problématiques de l'accrochage et du décrochage scolaires, prépondérants dans la collectivité d'outre-mer. Car l’absentéisme, “assez répandu au niveau des enseignants“ et “habituel au niveau des élèves“, repose chez ces derniers “presque systématiquement sur des justifications / justificatifs“. Or, “de façon semi-explicite, les motifs regroupés sous le vocable de ‘raison familiale‘ sont invoqués par les parents et les élèves et admis par le système éducatif car considérés comme liés à ‘la culture‘.“ Pourtant les élèves ont “bien conscience de recourir à ce motif de façon extensible, voire opportuniste.“
La mission a par ailleurs constaté que “la mise en œuvre de compensations lors du retour de l’élève après une absence est très variable selon les établissements“, c'est pourquoi il conviendrait, après avoir défini les raisons acceptables d’absences (...) considérées comme justifiées, de généraliser en la matière une pratique systématique, fondée sur une démarche éducative et pédagogique.
Plus globalement, est mise en lumière “la nécessité de réduire le décrochage et de renforcer la persévérance, l’accrochage des élèves“, mais pour cela il convient de “ne pas s’en tenir à la définition administrative du décrochage“ mais de prendre en compte le processus tout au long du parcours de l’élève et de “réduire ce qui est désigné comme ‘l’évitement scolaire‘ sur le territoire y compris dès le primaire.“
Une démarche “volontariste“ de la part des services éducatifs est d'ailleurs soulignée, comme par exemple le pôle santé social composé de six personnels avec des missions très larges, entre autres “aller à la rencontre des familles“ et “repérer les jeunes décrocheurs et les inciter à réintégrer l’école.“ Toutefois, assure l'inspectrice, “il existe sur le territoire très peu de professionnels médicaux et paramédicaux susceptibles de prendre en charge les élèves suite à ces repérages.“
La mission a enfin “observé un certain flou à propos de la définition des missions et des objectifs des cellules de veille, groupe de prévention du décrochage scolaire (GPDS) et des acteurs (chef d’établissement, référent décrochage, coordinatrice MLDS …)“ d'autant que les remontées des situations de décrochage “ne sont pas harmonisées entre les établissements“. C'est justement le cas de la coordinatrice de la mission de lutte contre le décrochage scolaire (MLDS), qui a bien établi une liste de causes potentielles relatives au phénomène, mais celle-ci “insiste sur des causes externes à l’école (essentiellement des facteurs liés aux caractéristiques des jeunes, de ‘leur culture, les us et coutumes‘, de leur environnement, leur milieu socio-économique etc.)“ et leur interaction avec l’école “n’est pas analysée ni les causes dépendant directement du système éducatif : climat scolaire, organisation du temps scolaire, évaluation, didactique et pédagogie, stratégie collective vis-à-vis de l’absentéisme sont peu abordées et corrélativement une stratégie de prévention structurelle et les facteurs de protection peu mise en œuvre de façon systématique.“
Le rapport ici