Plan d'urgence pour l'école en Seine-Saint-Denis : l'intersyndicale déterminée à poursuivre la mobilisation après les vacances scolaires
Paru dans Scolaire le vendredi 29 mars 2024.
“C'est pour nous un impératif que la Seine-Saint-Denis soit mieux lotie et que nos écoles ne soient plus mises sur le carreau comme c'est le cas aujourd'hui.“ Après 5 semaines d'une mobilisation qui a débuté le 26 février dernier, après s'être rendus au ministère de l'Education puis à Matignon demander une audience auprès du 1er ministre, les manifestants réclamant un plan d'urgence pour l'éducation en Seine-Saint-Denis (des personnels dont une majorité d'enseignants) se sont cette fois retrouvés vendredi 29 mars devant Bercy.
Interrogée par ToutEduc, Louise Paternoster, co-secrétaire de la CGT Educ’Action 93 se dit très satisfaite de l'ampleur de la mobilisation, avec “certains établissements où il y a encore 50 % de grévistes“, et surtout un mouvement qu'elle voit “monter d'un cran“ avec l'implication des parents d'élèves : “demain on a 13 cortèges qui partiront de l'ensemble du département, qui convergeront à Saint Denis, à Montreuil à Aulnay, ça sera tout le 93 qui est appelé à se soulever pour défendre l'éducation.“
Pour l'institutrice en maternelle à Saint Denis, désormais les parents d'élèves “ont bien compris à quel point ils sont lésés, ils ont les chiffres, les yeux sont ouverts et la colère est immense“. Car “la réalité, c'est la perte de scolarité en raison des non remplacements“ dû à un manque d'enseignants, poursuit-elle. Si la moyenne nationale des remplacements de courte durée serait de 78 %, elle serait seulement de 50 % en Seine-Saint-Denis, et même peut-être encore plus faible : Louise Paternoster rappelle également le décompte établi par la FCPE en 2015 selon qui les enfants qui y résident perdraient un an de scolarité au total en raison de ces non-remplacements, et même jusqu'à 18 mois dans certains cas.
“Irresponsable“. Ainsi le gouvernement “joue avec le feu“ en raison d'un niveau de tension sociale à la fois fort et croissant chez les parents et les familles. Surtout que la question scolaire est centrale dans un département dont 22 % des habitants vont à l'école, c'est pourquoi la colère des habitants pourrait être dangereuse alors que seront bientôt accueillis lors des Jeux Olympiques des dizaines de milliers d'athlètes et une grande partie des compétitions françaises.
L'intersyndicale (CGT Educ'action, FSU93, SUD éducation93, FCPE, CNT) souhaite qu'un plan d'urgence soit conçu, à l'instar de ce qui est fait pour Mayotte ou Marseille, des territoires qui “comportent certaines similitudes“ avec le département. Si les besoins estimés seraient de l'ordre de 358 millions d'euros, elle regrette les “effets d'annonce selon quoi on aurait plus de dotations qu'ailleurs“. Et de poursuivre : “on a 60 % d'Education prioritaire, en 1998 et 2015 on a gagné des plans d'urgence qui font encore bouclier, on n'aurait pas ces plans d'urgence l'école ça serait les Etats-Unis, on serait sur du public extrêmement dégradé et un situation catastrophique.“
C'est pourquoi la professeure des écoles demande “des vraies réponses“, considérant que le combat peut être gagné, d'autant que “du côté de la rue de Grenelle ça bouge“, des élèves du lycée Blaise Cendrars à Sevran (dont les vidéos sur l'insalubrité de l'établissement ont largement circulé sur les réseaux sociaux) ayant été reçus au Sénat et le directeur de Cabinet de Nicole Belloubet les ayant contactés pour leur proposer une audience : “cela veut dire que le dossier Seine-Saint-Denis devient une priorité, et que ça devient un sujet de crispation entre Matignon et la rue de Grenelle.“
Si une rencontre avec la ministre pourrait avoir lieu prochainement, la grève spécifique au département (hors celles concernant le Choc des savoirs) reprendra bien le 22 avril après les vacances, annonce Louise Paternoster à ToutEduc : “le jour de la rentrée les établissements seront vides, on appelle les parents à embrayer en n'amenant pas les élèves. La colère va s'inscrire durablement“, prévient-elle.