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Suicide d'une directrice d'école : ce qu'il suffit qu'aient fait l'inspectrice et la municipalité pour s'exonérer de toute faute

Paru dans Scolaire le vendredi 29 mars 2024.

La directrice d'une école maternelle de Bollène se suicide en 2017, elle s'était plainte d'avoir été harcelée par la municipalité après l'arrivée à la mairie en 2008 de Marie-Claude Bompard (extrême-droite) et par une des enseignantes de l'école. Le père de ses enfants estime que sa hiérarchie avait été "régulièrement informée de la dégradation de ses conditions de travail et des incidents répétés avec la municipalité de Bollène", que "le silence gardé par l'administration constitu(ait) un refus d'octroi de protection fonctionnelle et que l'administration (avait) failli dans son obligation de sécurité, d'hygiène et de protection de la santé de son agent".

Le tribunal administratif de Nîmes avait condamné l'Etat à verser au compagnon et à ses enfants 90 000€ d'indemnité. Le père de famille demande à la Cour administrative d'appel "de condamner solidairement l'Etat et la commune de Bollène au paiement de la somme totale de 418 000 euros". Il fait notamment valoir que la responsabilité de la commune "est engagée en raison de ses carences fautives dans l'entretien de l'école maternelle" et "des multiples dénigrements, comportements vexatoires et humiliations" subis par la directrice.

La CAA note que "la circonstance que la commune n'avait pas la qualité d'employeur de Mme B..., professeure des écoles, ne saurait faire obstacle à ce que sa responsabilité soit recherchée". Elle considère donc qu'il lui appartient "de rechercher si l'accident est imputable à une faute commise dans l'organisation ou le fonctionnement du service".

Elle note que les rapports de cette directrice avec la municipalité "se sont progressivement dégradés" à la suite du "changement de majorité municipale" mais elle considère "que les services de l'inspection de l'éducation nationale sont demeurés présents aux côtés de Mme B" : l'IEN (inspectrice de circonscription) a participé "à des préparations aux réunions" ou "aux réunions elles-mêmes" (sans autres précisions, ndlr), elle a rencontré (à une seule reprise) les personnels et élus municipaux en charge des affaires scolaires. Elle "a organisé une rencontre entre (cette directrice) et l'adjointe aux affaires scolaires de la municipalité". Elle n'a certes pas participé "aux conseils d'école" mais elle a adressé un courrier à la représentante des parents d'élèves. Quant au DASEN, il s'est déplacé (une fois) "afin de rencontrer la maire de Bollène et son adjointe aux affaires scolaires". La famille ne peut donc pas soutenir "qu'une faute aurait été commise par l'académie d'Aix-Marseille s'agissant des relations avec la mairie de Bollène".

La directrice a par ailleurs fait l'objet de harcèlement de la part de l'une de ses collègues. L'IEN lui a adressé un courrier de soutien sur la question des interventions des parents d'élèves dans l'école, le sujet qui a cristallisé l'opposition entre les deux enseignantes. L'enseignante qui accueillait systématiquement et sans l'accord de la directrice des parents dans sa classe "a par ailleurs été convoquée à la DSDEN (les services départementaux de l'Education nationale) "où lui ont été rappelées ses obligations". En outre des conseillères pédagogiques ont assisté à un conseil des maîtres et un audit été mené au sein de l'école.

En ce qui concerne les conditions d'hygiène, l'inspectrice s'étant "rapprochée de la conseillère de prévention de la DSDEN et du médecin de prévention du rectorat" et une visite médicale de prévention ayant été diligentée, plusieurs expertises menées, la famille n'est pas "fondée à soutenir que l'administration aurait failli dans son obligation de protection de ses agents".

En ce qui concerne la responsabilité de la commune qui n'a pas assuré "ses obligations d'entretien des locaux", ces dysfonctionnements "ont été signalés à de nombreuses reprises" à la mairie qui a dû faire face à l'absentéisme de ses agents, qui a externalisé le ménage des écoles, "puis, pour remédier aux carences de la société en charge de cette prestation, a organisé des sessions de nettoyage durant les vacances et a enfin intégré des agents d'entretien en 2016". La commune a par ailleurs financé divers travaux.... Dans ces conditions, on ne peut "soutenir qu'une faute aurait été commise par la commune".

S'agissant des "multiples dénigrements, comportements vexatoires et humiliations de la part des élus de la commune", celle-ci répond qu'elle a signalé à l'IEN "des difficultés de communication" avec la directrice et "un grave manquement au devoir de réserve de la part de l'intéressée (...) sans toutefois apporter de précisions utiles quant au manquement relevé". Le rectorat d'Aix-Marseille produit également un courrier de la commune et un courriel démontrant que "Mme B... n'entretenait pas de bonnes relations avec les services municipaux (...). Ainsi, en dépit des relations conflictuelles existantes entre Mme B... et les représentants de la municipalité", son compagnon et ses enfants "ne sont pas fondés à soutenir qu'une faute aurait été commise par la commune".

Le suicide de cette directrice ayant été "reconnu imputable au service", il y a bien eu "préjudice moral" mais "en l'absence de toute faute imputable tant à l'Etat qu'à la commune de Bollène", les jugements attaqués ne sont pas réformés et l'indemnisation est maintenue à hauteur de 3 fois 30 000€.

Le jugement ici

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