L'ONISEP répond à la Cour des comptes : l'orientation a besoin de conserver son opérateur national (interview exclusive)
Paru dans Scolaire le jeudi 21 mars 2024.
La Cour des comptes vient de publier son rapport sur l'ONISEP (voir ToutEduc ici). Sa directrice générale le commente pour ToutEduc.
ToutEduc : La réaction de la direction du budget qui s'empare des remarques de la Cour pour proposer une stricte limitation de votre domaine d'action vous a-t-elle surprise ?
Frédérique Alexandre - Bailly : Oui. Il est naturel que "Bercy" cherche à faire des économies, mais ce qu’ils proposent reviendrait à réduire l'information sur l'orientation à une dimension purement matérielle, de production de documents, sans aucune dimension humaine. D'autre part, nos missions sont définies dans le code de l’Education et depuis le décret du 13 juillet dernier, elles comprennent un volet d’accompagnement à l’orientation. J’ai du mal à comprendre que cela ne soit pas pris en compte. Nous avons acté le transfert d’une partie de nos missions aux régions et restons garants de la qualité de l’information nationale. Notre rôle, opérateur de l'Education nationale en charge de la formation initiale, est désormais également de contribuer à l’éducation à l’orientation et à l’accompagnement. Le numéro vert de Parcoursup par exemple est reconnu comme un outil de grande qualité dans toutes les enquêtes. Le supprimer par mesure d’économie me semble délicat.
ToutEduc : La Cour s'inquiète de l'avenir du programme "Avenir(s)" dont elle comprend mal l'évolution, qu'elle juge "floue" dans un contexte de concurrence avec d'autres opérateurs.
Frédérique Alexandre - Bailly : Le budget du programme est "au cordeau", Avenir(s) se développe comme prévu. Dans sa réponse, le ministère annonce d'ailleurs sa généralisation à la prochaine rentrée. Il n'y a pas de flou. D'autre part, parmi les autres opérateurs figurent les acteurs du privé, dont les prestations sont facturées aux familles. Quant aux Régions, elles n'ont pas développé des programmes comparables. Effectivement, Carole Delga, présidente de l'ARF et François Bonneau, président de la commission éducation de Régions de France ont écrit à nos ministres de tutelle et à la ministre du Travail pour dire leurs inquiétudes de voir Avenir(s) faire doublon avec ce que les Régions mettent en place, ça a été l'occasion d'une reprise de dialogue sur ce que nous allons pouvoir mettre à leur disposition. Il n'y a pas doublons mais complémentarité et mise en valeur gratuite sur Avenir(s) de leurs productions.
D'autre part, les régions sont loin d'en être toutes au même point, leurs données sont parfois lacunaires, il faut conserver un opérateur national.
ToutEduc : Comment décririez-vous le paysage dans lequel évolue aujourd'hui l'ONISEP ?
Frédérique Alexandre - Bailly : Il est très éclaté, comme le constatent tous les observateurs, y compris la commission éducation de l’Assemblée nationale en juillet dernier ou France Stratégie en septembre, et on assiste à un accroissement gigantesque des inégalités. Raison de plus pour conserver un opérateur national qui dispense les outils de l'éducation à l'orientation gratuitement et à tout le monde. La DGESCO lance un PNF sur Avenir(s), un plan national de formation, qui va toucher les formateurs de formateurs, mais aussi les personnels de direction et les enseignants, de façon qu'ils puissent s'emparer des premières briques du programme Avenir(s)
ToutEduc : Vous mettez en avant la gratuité de vos ressources, mais la Cour, et la direction du budget, s'inquiètent de vos ressources à venir.
Frédérique Alexandre - Bailly : Beaucoup de nos ressources sont gratuites, mais pas toutes. De plus, via leurs OPCO (opérateurs de compétences, ndlr), les branches pourront financer des compléments d'information sur Avenir(s), les Régions qui voudront des développements particuliers au-delà de ce que nous leur proposons gratuitement aussi et rien ne nous interdit de développer des services complémentaires.
Propos recueillis par P. Bouchard, relus par F. Alexandre - Bailly