ONISEP : les satisfecit et les inquiétudes de la Cour des comptes
Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 21 mars 2024.
"Il est possible que le COP (contrat d'objectifs et de performance 2021 - 2023) illustre une certaine incertitude des tutelles sur l’avenir" de l’ONISEP. La Cour des comptes publie, ce 21 mars, son rapport sur l'Office national d’information sur les enseignements et les professions et cette interrogation de la Haute juridiction en donne la tonalité. De nombreux satisfecit, des recommandations assez peu contraignantes, mais des inquiétudes pour l'avenir, essentiellement du fait des conséquences, encore mal évaluées, de la loi de 2018 "pour la liberté de choisir son avenir professionnel ". Celle-ci "transfère une partie des compétences d'information sur les métiers et les formations aux régions" et les collectivités "ont besoin des données de l’ONISEP", mais "elles sont pour certaines réticentes à s’engager dans une coopération approfondie et reprochent parfois à l’ONISEP de ne pas tirer toutes les conséquences de la nouvelle définition des missions".
S'y ajoute "la mise à disposition gratuite d’une partie importante de ses données (open data)" qui a privé l’Office "de certaines de ses ressources financières potentielles et lui a fait perdre une partie de son pouvoir de négociation avec ses partenaires" tandis que "les acteurs de l’orientation se sont récemment multipliés : non seulement les régions, dont la place a beaucoup crû, mais aussi les associations et les entreprises privées qui proposent conseils et coaching (souvent à partir de la mise en ligne gratuite de données de l’open data de l’ONISEP)".
L'Office a certes modifié "son positionnement et sa stratégie" mais cette évolution a été "mal retranscrite par les deux contrats d’objectifs et de performance 2017-2019 et 2021-2023". La définition des missions de l’ONISEP dans le code de l’éducation est d'ailleurs "au moins aussi large que précédemment".
Considérant que "la question du maintien d’un réseau territorial de l’ONISEP s’est posée suite à la réforme de 2018" et que "le positionnement administratif des directions territoriales est complexe", la Cour propose "une rationalisation de ce réseau" avec la "suppression progressive des 17 postes de directeur territorial", les agents étant gérés directement par le siège. La question du maintien en région de ces agents restant d'ailleurs posée, "à terme". Les interlocuteurs des régions n'ont-ils pas souvent dit "ne pas comprendre le maintien d’un réseau territorial de l’Office et avoir l’impression que l’ONISEP cherche à regagner des compétences qui sont désormais du ressort des régions."
La Cour fait une large place au "programme Avenir(s)" et elle en souligne "le caractère innovant et ambitieux", puisque "aucun pays, à l’exception peut-être de la Corée du Sud et de certains pays d’Europe du Nord, n’a développé d’outil similaire". Mais elle estime que "la forte augmentation de l’offre des régions, d’associations et d’entreprises privées qui peuvent être en partie concurrentes, lui font courir un risque". Il faudra donc "mener un audit complet" du programme en 2026 "afin d’en confirmer les premiers résultats ou, si besoin, de le réorienter ou le stopper".
Enfin, la gouvernance reste une faiblesse de l’ONISEP, "même si les efforts de communication interne de la direction générale sont notables". Il faudrait "renforcer la tutelle financière et de performance en y associant davantage la direction du budget" et "étendre cette tutelle au ministère en charge du travail dans la mesure où le champ de compétence de l’Office couvre de plus en plus l’orientation tout au long de la vie".
A noter encore que le rapport souligne que l'Office est "capable à la fois de poursuivre ses missions de service public (recensement des données relatives aux formations, activités pour les publics en difficulté ou en situation de handicap...), d’éventuellement pallier certains manques des régions ou réduire des inégalités régionales trop fortes, de répondre à des besoins nouveaux comme les conseils en ligne relatifs à Parcoursup et à Mon Master, et d’ouvrir de nouveaux champs d’échanges sur la recherche théorique sur l’orientation (Lab’Or) et la mise en place de nouveaux outils (Avenir(s))",lequel st appelé à modifier assez profondément une partie significative de ses activités.
L'ONISEP "a également développé le site monorientationenligne.com (...) et s’est vu confier la gestion du numéro vert des questions sur Parcoursup avec 17 conseillers. Il est possible que lui soit confié dans les prochaines années la gestion du site choisirmonmaster.fr développé actuellement par le ministère de l’enseignement supérieur. L’Office crée par ailleurs de nombreuses activités comme Le Printemps de l’Orientation ou met en œuvre des initiatives gouvernementales."
Sa compétence de base est "l’établissement d’une liste exhaustive des formations initiales en France qui prend actuellement la forme de la base de données IDEO2 recensant environ 120 000 actions de formation de plus 25 000 établissements d’enseignement secondaire et supérieur. Cette base s’est complétée de nombreuses autres ressources documentaires, comme la base Certif Info recensant 15 000 formations certifiantes actives." Mais la Cour considère que "le modèle économique de l’ONISEP demeure très incertain".
La Cour publie les réponses qui lui ont été apportées par la direction du budget, par le ministère de l'Education nationale et par la directrice générale de l'Office.
Bercy ne cache pas son hostilité : "L'ONISEP s'est investi depuis les années 2005 à la demande de sa tutelle métier dans la gestion de plates formes d'accompagnement à l'orientation (...) qui ne relèvent pas strictement de la mission de diffusion de l'information de l'opérateur" alors que "de très nombreux acteurs offrent déjà de l'accompagnement humain voire numérique pour l'orientation des jeunes (CiDJ, CiO, réseaux Infos jeunes, missions locales pour les jeunes décrocheurs, psychologues de l'éducation nationale, secteur privé...)." La direction du budget demande par ailleurs que la stratégie de l'ONISEP "ne repose pas de manière prépondérante" sur le projet "avenir(s)" tandis que la recherche de ressources propres ne doit pas "amener l'établissement à diversifier son offre de services en dehors de son strict champ de compétences".
La "rue de Grenelle" est en revanche beaucoup plus positive : "Le périmètre d'action de l'ONISEP a été recentré progressivement sur la constitution des bases documentaires nationales des formations diplômantes et certifiantes et sur la production éditoriale de ressources pédagogiques en matière d'accompagnement à l'orientation. Cette évolution est le résultat d'une politique pleinement assumée." Le ministère de l'Education nationale considère par ailleurs qu' "il n'apparaît ni nécessaire, ni souhaitable d'élargir la tutelle de l'ONISEP au ministère chargé du travail", mais il n'est pas opposé à la suppression de certains postes de directeurs territoriaux.
Il ajoute que les trois quarts des collèges et lycées déclarent "s'appuyer sur les ressources de l'ONISEP pour l'orientation des élèves" et il considère qu' "Avenir(s) doit permettre de déployer un service public national, gratuit, exhaustif et égalitaire de l'orientation à destination des élèves, des étudiants et de leurs familles". Il précise que la plate-forme Avenir(s) "sera testée au sein de plusieurs centaines d'établissements au troisième trimestre de l'année 2023-2024, puis généralisée à la rentrée scolaire 2024".
La directrice générale fait remarque que l’Office a su "s'adapter" aux modifications de son environnement, qu'il a "satisfait à ses missions tout en achevant une réforme managériale marquée par la suppression de 155 emplois sans un seul jour de grève". Frédérique Alexandre-Bailly "insiste sur la nécessité de conserver un lien fort avec le terrain" et donc sur le rôle des directeurs territoriaux. Et surtout, elle voit le programme Avenir(s), comme un "levier d'innovation et de développement de la politique publique d'orientation". Il vise en effet "à accompagner gratuitement tous les élèves dans la construction de leurs projets d'avenir" dans un contexte marqué par l'accentuation des "inquiétudes des familles, des élèves et des enseignants face à l'impact de choix d'orientation perçus comme très engageants". Le programme "s'inscrit résolument dans une démarche partagée, à caractère interministériel et hautement stratégique", qui porte "une vision nouvelle de l'approche publique en matière d'orientation".
Le rapport ici