Des clés pour favoriser l'apprentissage. (publication)
Paru dans Scolaire le jeudi 02 septembre 2010.
Comment aider les élèves à se remotiver pour l'apprentissage? "L'apprentissage fait d'emblée, chez l'être humain, l'objet d'une motivation endogène, puisque notre cerveau est ainsi constitué", souligne Daniel Favre (IUFM de Montpellier, ancien neurobiologiste), qui propose des pistes testées scientifiquement de 1994 à 2009 pour prendre en compte la "dimension affective de l'apprentissage", c'est à dire "la peur de se tromper" chez les élèves et la manière dont les enseignants peuvent les en "libérer".
Il s'agit d'invalider l'existence de "mauvais élèves" en posant le postulat d'éducabilité de tous. "Le principal argument scientifique en faveur de cet énoncé provient des neurosciences", estime D. Favre convoquant le "formidable travail d'élaboration que la vie a réalisé au fil du temps": "Chacun est apte à l'apprentissage et à l'actualisation de ses potentialités, quels que soient son âge, son sexe, son origine sociale et/ou ethnique, son état de santé." L'apprentissage serait par ailleurs "naturellement" motivé, sans besoin de source externe: "L'exploration, l'expérimentation, et l'apprentissage sont biologiquement récompensés, et la perspective de cette récompense peut permettre de dépasser la frustration et l'investissement personnel que comporte tout apprentissage."
Daniel Favre convoque en outre la neurobiologie pour souligner l'impossible divorce entre émotion et cognition quand bien même "nous sommes dans une culture qui transmet l'idée erronée que les émotions n'ont pas leur place à l'école", en tirant deux conséquences de cette observation pour la classe: Du côté enseignant, l'écueil de toute hyper-rationalisation ou mentalisation des cours ("trop contrôlé et ennuyeux pour les élèves"); Du côté des élèves, celui du refoulement des émotions, en particulier des peurs sucitées par l'apprentissage: "S'il a pris cette habitude de se couper de ses émotions et si l'école a accentué le phénomène, ressentir du plaisir sera plus difficile pour lui, il aura besoin d'excitations de plus en plus fortes, comme celles que procurent la violence et les conduites addictives en général", alerte l'auteur, qui avait établi dans un précédent ouvrage ("transformer la violence") la réversibilté de la violence des élèves dès lors qu'ils pouvaient renouer avec les satisfactions que la réussite aux apprentissages procure aux humains.
L'auteur fait le point également sur la "déstabilisation cognitive et affective" que procure tout apprentissage, signalant que "c'est lorsque l'élève se sent en sécurité qu'il peut prendre le risque d'apprendre".
Daniel favre fournit ainsi des pistes aux enseignants pour mieux accompagner l'apprentissage des élèves: Puisque tout apprentissage contient une période de frustration et de vulnérabilité pour l'élève, le professeur doit prendre garde à ce que la notion soit comprise avant d'en contrôler l'acquisition: "Le "contrôle" durant cette période (de destabilisation) peut être vécu comme une trahison de la part de l'enseignant, ou au moins comme une incohérence entre l'enseignant qui aide et l'enseignant qui met en échec, ce qui n'est plus le cas lorsque la notion nouvelle a été acquise". D. favre engage donc l'enseigant à négocier la date de contrôle, "sachant qu'il peut y avoir des dates butoirs".
Autres pistes: Permettre aux élèves de s'exprimer et mettre en mots les effets qu'ont pu avoir sur eux certains événements et, éventuellement, pouvoir par là retrouver des conditions favorables à l'apprentissage "en prenant le risque, comme au Québec, d'entendre que l'élève s'est ennuyé.. ou qu'il s'est régalé et n'a pas vu le temps passer"; mais aussi donner aux élèves des moyens d'évaluation "leur permettant de repérer ce qu'ils savent déjà faire et ce qu'ils doivent acquérir au cours de l'année"; ou encore présenter l'erreur comme une information et "non comme une faute" et développer l'empathie des élèves "en tant que capacité à se représenter ce que pense et ressent l'autre", moyen également de leur faire vivre "le plaisir lié à la résolution collective des problèmes" .
Daniel Favre, Cessons de démotiver les élèves, 18 clés pour favoriser l'apprentissage, Dunod, août 2010.