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Délégation aux droits de l'enfant : comment les professionnels peuvent-ils intervenir lorsqu'il y a maltraitance ?

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 29 février 2024.

“On fait un constat d'échec“, estimait mercredi 28 février à l'Assemblée nationale Bénédicte Kérébel concernant les séances de sensibilisation aux violences faites aux enfants dans les établissements scolaires.

Interrogée avec d'autres représentants d'associations lors d'une table ronde organisée par la délégation aux droits des enfants, la juriste de l’Enfant bleu considère que si le droit positif prévoit déjà l'obligation d'avoir des séances, et que le plan gouvernemental vise à renforcer l'effectivité de ces séances, “ce n'est pas en place“. Il s'agit même d'aller au-delà avec un minimum d'heures annuelles, alors que la loi n'impose pas de quantum.

Ecole, prévention et formation

La députée Francesca Pasquini (Ecologistes - NUPES) estime que l'école “est vraiment un formidable outil de détection des violences qui sont faites aux enfants“, mais que ceux-ci doivent être à l'aise or il manque “cet espace de parole libre, de bulle, où l'enfant est acteur de cette prise de parole, où un adulte est prêt à les écouter en cas de souci, un moment qui à l'école devrait être plus identifié.“

Surtout que “dans plus de 90 % des cas, il y a des révélations à l'issue de nos passages“. Laura Morin, directrice nationale de l’Enfant bleu, souligne l'importance de ces temps de parole, qu'elle organise en premier lieu avec les équipes pédagogiques des écoles : “ce sont des espaces où les équipes peuvent exprimer leurs besoins d'accompagnement, parfois la difficulté de faire une information préoccupante, parce qu'ils sont confrontés aux parents“.

Il est question, pour Claude Bard, d'une certaine “frilosité“ de certains professionnels face à la réalité de la maltraitance chez certains enfants, “en raison de la hiérarchie, des parents, de la remise en cause de sa propre parole“. Mais même s'ils sont placés “en situation de conflit d'intérêt“, Bénédicte Kérébel rappelle “que c'est une obligation de citoyen et de fonctionnaire de signaler sans délai“ des faits de maltraitance, que certes le système est “rigide mais aussi facilitant, il n'y a pas de choix à opérer“, il vaut mieux se considérer comme une pierre à l'édifice que de s'imaginer uniquement comme une simple courroie de transmission.

La présomption d'innocence “ne veut pas dire que la société doit être paralysée, contrairement à ce qu'on tente de faire croire“, estime d'ailleurs Pascal Cussigh, avocat représentant le Collectif pour l’enfance. Il faut donc selon lui savoir comment aujourd'hui délivrer des bons messages aux agents de l'Education nationale qui font d'importantes demandes de formation, pour savoir comment aborder ces situations-là, ne serait-ce que pour savoir quelle est la loi.

Laura Morin pense ainsi qu'il est important de “trouver des relais“ qui permettent de répondre à ces difficultés, et souhaite pouvoir “mailler le territoire“ via le très riche tissu associatif français afin “d'allier les forces“ et que chacun puisse intervenir là où il est présent. Bénédicte Kérébel rappelle à ce titre le rôle des Cellules de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) qui localement connaissent le maillage associatif, les dispositifs et moyens d'agir en protection d'un enfant, et qui ont les infos tandis que les enseignants ne sont pas forcément au courant si une famille est déjà connue, a connu des condamnations etc.. en les appelant on peut avoir un appui technique, concret“.

Temps de traitement

Outre l'école, le secrétaire du Collectif pour l’enfance Arthur Melon a évoqué l'objectif de l'association d'avoir une protection “rapide“ des enfants signalés comme potentiellement subissant des violence dans le cadre intrafamilial. Lorsque juge est saisi par le ministère public, il “doit statuer sous 6 jours“ sur la suspension des droits de visite et d'hébergement du parent mis en cause et modifier les modalités d'exercice de l'autorité parentale.

Parent protecteur

Le sujet du parent protecteur (mère protectrice le plus souvent) a également été abordé à plusieurs reprises, notamment par Pascal Cussigh, affirmant que les “Nations unies ont rappelé la France à l'ordre sur la façon dont ces dossiers sont traités“. Malgré de “vraies dénonciations“, le système judiciaire français est “totalement gangréné“ par le syndrome d'aliénation parentale selon lequel un enfant qui dénonce des violences “doit être manipulé par quelqu'un“. Cela peut en revanche se retourner contre le parent protecteur, à savoir entraîner des condamnations lourdes pour non représentation d'enfants. Et il n'existe pas, dans ce cas de figure-là, de système de protection adapté, sauf l'ordonnance de placement provisoire par le parquet, possible mais jamais utilisée dans ce genre de cas, qui est un litige entre deux parents donc relève de la compétence du Juge aux affaires familiales (JAF); de même, poursuit-il, l'ordonnance de 2010 (protection pour les femmes victimes de violences) ne s'applique pas pour l'enfant. 

Il évoque en conséquence l'idée d'une ordonnance de sûreté de l'enfant afin de permettre que l'enfant soit protégé en se fondant sur “la vraisemblance“ des violences de la même façon que cela est fait pour les femmes victimes. Le juriste ajoute que cette “arme juridique“ ne porte pas “atteinte à la présomption d'innocence“, et permettrait “de déconnecter la protection de l'enfant de la question des suites pénales“ alors que “l'enquête pénale pourrait durer des mois, des années“.

Administrateurs had hoc

Les intervenants ont aussi fait part de leur souhait de voir s'opérer une révision du statut d'administrateur ad hoc dans son ensemble. L'Observatoire national de la protection de l'enfant le définit comme une “personne physique ou morale, désignée par un magistrat, qui se substitue aux parents pour exercer les droits de leur enfant mineur non émancipé, en son nom et à sa place et dans la limite de la mission qui lui est confiée“. Bénédicte Kérébel fait état de “pratiques extrêmement différentes“ et de “conditions d'exercice des mandats disparates d'un secteur à l'autre“. Cette réforme devrait permettre de “garantir un accompagnement judiciaire de qualité pendant toute la procédure qui concerne les enfants victimes, mais également de “comprendre ce qu'il se passe et avoir une représentation assez fidèle du fonctionnement de la justice“, car pour l'association l'Enfant Bleu “c'est une représentation capitale pour leur vie future“. Elle ajoute que pour le devenir aujourd'hui il faut avoir plus de 30 ans et “une capacité certaine à pouvoir représenter un enfant“, mais sans spécificité de formation malgré que le métier soit “très ancré dans la procédure, très technique“. Un métier qui suscite peu de vocations car il coûte très cher et reste, bien que crucial, mal défrayé pour le travail qu'il demande.

Expertises

Enfin, les experts doivent être nommés par la justice et doivent être “formés spécifiquement“, notamment avec une spécialisation en psychotrauma qui est une matière spécifique de la psychologie, assure Bénédicte Kérébel. La situation est de la même manière, décrite comme “catastrophique“ par Pascal Cussigh. Par exemple à Rennes, raconte-t-il, une experte “dit que l'enfant ment parce que ses yeux s'orientent vers la droite alors que quand on fait appel aux souvenirs ils doivent s'orienter vers la gauche“. Si “d'un point de vue scientifique c'est juste risible“, il pointe davantage “des conséquences dramatiques“ avec parfois des enfants qui ne sont pas protégés malgré 5 à 10 révélations : “ces expertises ce sont des machines à enterrer les signalements“. Il indique avoir demandé la possibilité d'imposer aux experts “de recueillir l'avis des pros qui ont suivi l'enfant“, ou encore “un enregistrement audiovisuel des opérations d'expertise“.

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