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“La réponse à 80 % des questions sur l'IA c'est la formation des enseignants“ (Table ronde, Assemblée nationale)

Paru dans Scolaire, Périscolaire, Culture le mercredi 07 février 2024.

“Remplacer les enseignants (par ds ordinateurs, ndlr), ça fait 30 ans qu'on a compris que non seulement ça ne marchait pas, et que ça ne servait à rien“, assure André Tricot dans son intervention à l'Assemblée nationale lors d'une table ronde sur le thème “École et intelligence artificielle“ organisée ce mercredi 7 février par la Commission des affaires culturelles de l'Assemblée nationale.

Le professeur en psychologie cognitive (U. P. Valéry - Montpellier 3) raconte que la première génération ayant traité le sujet date de la fin des années 1970, très orientée vers des systèmes d'enseignement intelligents “qui avaient pour ambition d'enseigner, voire à la place des enseignants“, cependant il souligne un échec, non pas technique, mais car “ça ne servait à rien dans le concret, dans les salles de classe“. Finalement, il s'est avéré que le fond du problème réside dans “une différence entre apprendre et enseigner“, avec l'idée que pour devenir des adultes dans nos sociétés complexes, il faut des connaissances que le simple fait de grandir ne permet pas d'apprendre, or pour les transmettre il faut des écoles, où s'exercent quatre contraintes (de temps, de lieu, de choix des savoirs, de choix de tâches). C'est à la société de le faire, et “pour ça les machines n'ont pas grand chose à faire“. En revanche, d'autres travaux de recherches ont vraiment fait preuve de leur plus-value, la plus connue étant la fonction de feeback évaluatif.

Aujourd'hui, avec cette nouvelle génération d'IA, notamment générative, “ce qui est en train de se passer est très important pour l'école“, comme dans les années 1980 avec l'arrivée des calculatrices. Celles-ci “ont permis de se centrer sur le cœur de l'apprentissage des mathématiques qui est la résolution de problèmes, et reléguer au second plan l'activité de calcul“. Néanmoins, “ces machines à calculer sont on ne peut plus efficace avec les élèves qui sont déjà performants en maths et qui utilisent la calculatrice comme une prothèse intelligente“.

Le mathématicien et philosophe, professeur émérite de l’Université Paris Sorbonne Daniel Andler a justement filé la métaphore de la “prothèse“ pour évoquer la façon dont l'intelligence artificielle devrait être utilisée. Cela implique un principe de proportionnalité, car plus l'outil est avancé, plus il va falloir faire attention à la manière dont on l'installe et on le met à jour : “il faut faire attention à la façon dont elle s'insère dans les processus cognitifs de l'élève et aussi dans la manière dont l'enfant muni de cette prothèse s'insère dans un processus pédagogique complexe“. De même, “il faut proportionner l'intelligence de l'outil à ce que peut supporter le professeur“, car en intervenant en classe l'IA le concurrence, ce qui suppose “une présence humaine très forte pour éviter qu'un ‘Chat GPT‘ prenne le dessus“. L'idée qu'il met en lumière est donc le “bilinguisme“, pour pouvoir naviguer “avec et sans outils numériques“, apprendre à travailler sans, surtout si on se rend compte que cet outil ne fonctionne pas comme attendu.

“Lever les craintes par rapport à la politique publique de l'Intelligence artificielle à l'école“ est d'ailleurs un des messages que tient à faire passer Florence Biot. Elle explique que “c'est au cœur de la classe et dans les interactions entre professeurs et élèves que se construisent les apprentissages“, et qu'il n'est pas envisagé “de remplacer en quoi que ce soit le professeur et son expertise par des outils numériques“. Il s'agit donc, pour la sous-directrice de la transformation numérique à la direction du numérique pour l’éducation (DNE) du ministère de l'Education nationale, de promouvoir “un usage raisonné du numérique et de l'IA pour personnaliser les apprentissages et individualiser la progression des élèves“ avec des outils “utiles pour simplifier certaines tâches“, c'est à dire comme une intelligence “augmentée“ qui assisterait le professeur. D'ailleurs, des algorithmes pourraient aider à créer des groupes de niveaux, et dès lors “libérer du temps pour les professeurs qui peuvent davantage s'intéresser aux élèves en difficulté“.

A ce titre, l'exemple qu'elle prend est celui de l'enseignement de langues vivantes au 1er degré, avec l'outil “Captain Kelly“ à l'aide duquel “on peut progresser (répéter, paraphraser, mémoriser) à l'oral grâce à la reconnaissance vocale“. Les élèves ont en face d'eux un outil qui utilise la voix d'une comédienne “très impactante“, qui a un “accent parfait“ et “s'adapte à la progression de l'élève“. Il est “recommandé que ce soit l'enseignant qui utilise l'outil, mais il peut s'utiliser en autonomie“, ajoute Florence Biot. Il est ainsi question de marchés publics développés au cycle 2, qui commencent actuellement à intégrer le cycle 3, avec des chercheurs, des enseignants, des edtechs autour de longs partenariats, dont l'efficacité est mesurée par des “analyses d'impact“. Utilisés par 53 000 professeurs et 1,3 million d'élèves, “ce ne sont pas des outils qui viennent du privé qu'on adopte tout prêts“, précise-t-elle. Elle fait entre autres référence à un outil existant pour les langues et cultures de l'antiquité, “très très utilisé du CM1 à la terminale, au taux de pénétration chez les enseignants très important“, ou encore au lancement de MIA seconde ce mois de février pour la remédiation des difficultés en maths et en français. “Je ne crois pas que l'IA et les outils numériques soient l'apanage de certains professeurs et de certaines disciplines, mais ils sont plutôt l'apanage de certaines activités“, poursuit-elle. Et malgré l'importance des propos du président sur la santé et l'exposition aux écrans, selon elle “il ne faut pas que ce discours là occulte qu'on a besoin de ces compétences, d'une certaine aisance dans l'usage des outils“.

"Des filigranes pour éviter les plagiats seront bientôt disponibles“, ajoute-t-elle. Colin de la Higuera a “plus l'impression que demain, on va avoir une école dans lequel l'enseignant, qu'il utilise ou pas l'IA, cela n'y change pas grand chose. Les élèves eux vont l'utiliser“. C'est pourquoi cela peut devenir un outil inéquitable : “là on tombe dans le rôle de l'école“, considère le professeur en informatique (U. Nantes), à savoir “trouver le moyen de former à l'utiliser mais aussi à la compréhension fine de ce genre d'outils“. Il cite par exemple l'introduction au lycée luxembourgeois d'un “problème de classification“ d'images à résoudre, les élèves étant invités à regarder la littérature sur le sujet, puis travailler sur le codage avant de discuter éthique afin de connaître les règles qui s'appliquent quant au respect de la loi. Une autre façon de faire travailler est d'intégrer l'Intelligence artificielle : demander aux jeunes de travailler sur leurs propres idées, puis avec une IA et enfin de comparer les deux afin de saisir le différentiel, de souligner un certain contraste entre les réponses. En tant qu'enseignant, il souhaite plutôt travailler sur des “problèmes concrets“, c'est à dire décomposer les textes, avoir plusieurs positions.. mais pour cela, “la réponse à 80 % des questions sur l'IA c'est la formation des enseignants. Ils ont envie, il faut les accompagner."

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