"C'est subtil, l'accueil du jeune enfant" (Sylviane Giampino devant les députés)
Paru dans Petite enfance le mercredi 07 février 2024.
Présidente du conseil de l'enfance et de l'adolescence, Sylviane Giampino était entendue, ce 7 février, par les députés de la "Commission d’enquête sur le modèle économique des crèches et sur la qualité de l’accueil des jeunes enfants au sein de leurs établissements", elle a dressé en un peu plus d'une heure un tableau de la situation vue à hauteur d'enfants. Elle situe en effet d'emblée son audition sous le signe de leur développement et de leur bien-être, rappelant que c'est à l'aune de cette finalité qu'on doit penser les services et les structures.
Elle ajoute qu'ils doivent être accessibles à toutes les familles, y compris celles qui sont "hors l'emploi". Les trois quarts des enfants qui sont en situation de pauvreté arrivent à l'école maternelle sans avoir fait l'expérience de la rencontre avec leurs pairs, ne serait-ce que dans des lieux d'accueil parents - enfants, or cette expérience est bénéfique pour l'ensemble des enfants. Ceux-ci ont besoin d'expérimenter, de découvrir, d'apprendre.
La psychanalyste regrette d'ailleurs la montée du thème "enfant zéro défaut, zéro bobo" et elle y voit un effet indésirable du paiement à l'heure, qui suppose qu'on note les heures d'arrivée, de sortie, et qui contribue à rigidifier les relations avec les familles tandis que les structures veillent à la rentabilité des équipements, donc à leur standardisation. "Le travail se sanitarise, les contrôles portent sur ce qui se voit." Des réglementations "excessives" ont fait disparaître les jouets en bois, les toboggans un peu grands, les jardins, la terre, le sable... Or il est important que l'enfant puisse se cacher, aller chercher un objet dans une autre pièce, qu'il découvre la fluidité de certains matériaux. "Les bobos faisaient partie du quotidien", la "culture du risque mesuré" se perd.
Et lorsqu'on l'interroge sur l'âge à partir duquel il serait souhaitable qu'un enfant aille à la crèche ou chez une assistante maternelle, elle s'oppose là encore à l'idée de réglementer. D'une part, les parents font plus souvent comme ils peuvent que comme ils le souhaiteraient, d'autre part, il y a "très peu d'enfants qui ne s'adaptent pas", même s'il faut être très attentif à certains petits qui sont silencieux, qui ne manifestent rien, mais qui sont en difficulté.
Elle estime par ailleurs que l'idée d'une "identité professionnelle commune" aux divers métiers de la petite enfance "a beaucoup progressé", avec la plateforme "les pros de la petite enfance" notamment : "le monde de la petite enfance se rencontre ... parce qu'il ne va pas très bien." Le choix a été fait de considérer l'accueil des petits comme un service et non pas comme une mission d'intérêt général. Le privé se développe, les constats négatifs se multiplient, "la machine s'emballe" avec le jeu de la concurrence. Peut-être comptait-on sur les associations de parents pour intervenir sur la qualité de l'offre, mais elle n'ont pu s'inscrire dans la durée : On ne reste pas longtemps parent d'un nourrisson. Toutefois, là où ils sont portés par une municipalité ou par un gestionnaire soucieux de leur participation, des conseils de crèche peuvent jouer leur rôle, et Sylviane Giampino ajoute : "C'est subtil, l'accueil du jeune enfant."
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