Accueil de la petite enfance : vers un renforcement des contrôles ? (une analyse d'A. Legrand)
Paru dans Petite enfance le mardi 06 février 2024.
Une association franco-allemande pour l’animation et la communication gérait deux établissements accueillant de très jeunes enfants, le jardin d’enfants "Les lutins bavards" et la crèche "Les petits génies", situés à Créteil et dont l’originalité est de permettre la pratique et l’approfondissement de la langue allemande aux enfants de moins de six ans. Suite à un contrôle des services de la Direction de la protection maternelle et infantile et de la promotion de la santé, fin novembre 2023, un rapport a signalé divers dysfonctionnements dans le fonctionnement de l’établissement, qui soulevaient certains problèmes de sécurité. Deux décisions préfectorales du 22 décembre 2023 ont fini par prononcer la fermeture immédiate des deux structures. Pour obtenir la suspension de l’exécution de ces décisions, l’association gestionnaire a saisi d’une demande de référé-liberté le juge des référés du TA de Melun, qui a rejeté cette demande par ordonnance du 29 décembre 2023. Sur appel, le Conseil d’Etat confirme le rejet dans une décision du 18 janvier 2024.
L’association requérante reprochait plusieurs de ses aspects à la décision préfectorale : et d’abord sa brutalité. Elle était intervenue à la veille des vacances de Noël, empêchant de prévenir les parents dans de bonnes conditions et de procéder aux travaux nécessaires avant la rentrée, ce qui compromettait celle-ci ; à elle seule, cette circonstance et la gravité des effets créés justifiaient, selon l’association, la condition d’urgence nécessaire au prononcé d’une décision de référé.
La décision portait atteinte à plusieurs libertés fondamentales, parmi lesquelles la liberté d’entreprendre, la liberté d’association l’intérêt supérieur des enfants accueillis, la liberté d’enseignement et la continuité du service public. Enfin, elle ne respectait pas le principe du contradictoire, dans la mesure où l’association n’avait pas reçu communication du PV de la visite de contrôle et n’avait donc pu présenter ses observations.
Le Conseil d’Etat rejette ces arguments. Il constate que l’association avait été alertée depuis plusieurs mois de la nécessité de procéder à des travaux. Elle avait, en particulier, reçu un avis défavorable de la commission communale de sécurité dès janvier 2023 et n’avait donné aucune suite ni aux recommandations de la direction de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités, ni à celles du président du conseil départemental. Elle avait aussi été mise en garde à plusieurs reprises, sans résultats, sur l’existence de dysfonctionnements quant à la qualification des professionnels et au taux d’encadrement des enfants. L’association ne pouvait donc prétendre être prise par surprise et le Conseil d’Etat rejette sa requête.
On a parfois taxé l'administration, non sans justification, d'indulgence excessive à l'égard des structures accueillant les populations les plus fragiles. Que ces reproches et leurs conséquences l'incitent à renforcer ses contrôles, en accordant une attention particulière aux questions de sécurité et de qualité de l'accueil et à contrecarrer les tentations d'inertie qui animent parfois ses interlocuteurs, compte tenu du coût de certaines des mesures demandées, n'a rien que de très naturel. La présente affaire est un exemple caractéristique de cette tendance.