Le premier tort des méthodes pédagogiques, notamment traditionnelles, penser qu'elles sont dans le vrai (Y. Reuter)
Paru dans Scolaire le lundi 29 janvier 2024.
"Eclairer, de manière quelque peu différente des articles et ouvrages disponibles, la question de l'échec scolaire, en tenant compte de son aspect socialement marqué en France", telle est l'ambition d'un ouvrage que publie Yves Reuter (U. de Lille). Le chercheur, notamment connu pour ses travaux sur la didactique du français et sur la pédagogie Freinet, s'intéresse à l'articulation théorique "entre pédagogies et didactiques" mais donne à son exposé une dimension sensible, lorsqu'il cite par exemple cette formule d'un enseignant, "il faut avoir, au moins une fois dans sa vie, connu l'humiliation dans ce qu'elle a de plus âpre pour comprendre l'élève en échec scolaire."
L'auteur est particulièrement sévère avec les "politiques, médias et chercheurs" qui, "pour résoudre les problèmes" actuels, défendent "explicitement ou implicitement", l'idée d'un "retour aux pratiques du passé", oubliant qu'il n'y a pas eu d' "âge d'or" de l'Ecole. C'est ainsi qu'il est, par exemple, illusoire de vouloir aller "du simple au complexe", une démarche fondée sur la confusion "entre ce qui est complexe et ce qui est compliqué à comprendre". C'est que "les éléments dits simples sont parfois plus difficiles à appréhender". Quant à l'enseignement explicite, "très à la mode", "il constitue sur bien des points un avatar de l'enseignement classique.
De fait, l'enseignant dirige tout et les modalités des échanges avec les élèves sont des variations du cours magistral." L'enseignant suit d'ailleurs une "stratégie unique" sans tenir compte "des domaines très nombreux où les problèmes sont flous et les solutions multiples". Autre illusion, celle de la transparence : "un message pourrait être absolument clair" et le message émis par l'enseignant arriverait inchangé aux élèves "qui le décoderaient à l'identique". Chacun sait que ça ne se passe jamais selon ce schéma idéal." Mais surtout, "l'enseignement explicite partage un défaut avec les autres courants pédagogiques, la certitude d'être dans le vrai".
Yves Reuter propose plutôt de "travailler sur des situations ordinaires d'enseignement" et il insiste sur le sentiment de sécurité "que l'école peut offrir à des familles et à des enfants" et sur "la dimension de stimulation" par "la mise en place de situations de travail appréciées par les élèves : recherche, coopération, différenciation, défis, compétition, situations-problèmes (...), encouragement à la prise de risque (...), modalités évaluatives qui marquent les progrès (...)."
Dès lors, la posture de l'enseignant "peut être définie comme une quête constante de ce qui pourrait aider chacun des élèves tout en évitant de se substituer à son cheminement". L'auteur considère dès lors que l'enjeu est d'ouvrir des "pistes de travail" pour les enseignants sans leur prescrire de méthodes.
"Comprendre et combattre l'échec scolaire, l'articulation entre pédagogies et didactiques", Yves Reuter, éditions Berger Levrault, 180 pages, 36€