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Pénurie d'enseignants dans le monde : une crise multifactorielle, des pistes locales pour améliorer l'attractivité (Revue internationale d'éducation - Sèvres)

Paru dans Scolaire, Orientation le jeudi 25 janvier 2024.

“Il y a une tentation, face à la pénurie d'enseignants, d'imposer un modèle d'enseignement uniforme, de façon directive, aux dépends des capacités d'autonomisation“, souligne Alain Boissinot quant à la crise d'attractivité du métier en France, mais aussi de par le monde.

L'ancien recteur, coordinateur du dossier du dernier numéro de la Revue internationale d'éducation de Sèvres (RIES) présenté hier mercredi 26 janvier à la presse, prend pour référence un article de Manel Barouni et d'Abdelmajid Naceur (ISEFC, Tunis) sur l'engagement professionnel des enseignants en Tunisie.

Dirigisme

Celui-ci décrit en effet un certain dirigisme de l'école Tunisienne, vecteur de souffrances pour les enseignants : 18 % d'entre eux estimeraient que leur travail “se caractérise par une faible latitude d'action et une énorme charge de travail“. Or, écrivent les auteurs, “face à une organisation du travail qui pré-préscrit les façons de faire et d'agir, la déception des enseignants est manifeste. La profession perd de son attractivité, un manque d'engagement professionnel se manifeste et s'accentue, sur fond de considérations défavorables et d'insatisfaction.“

Raison pour laquelle, comme pour la question de la rémunération (présente en France, mais pas en Allemagne ou au Japon), la question de la formation est pour Alain Boissinot prépondérante dans l'optique d'assurer l'avenir enseignant, ce que le chercheur Claude Lessard, sociologue (U. de Montréal) également coordinateur du dossier, constate également en se faisant l'écho de deux solutions mises en avant par la revue.

Troisième voie

Première solution au Brésil, où la pénurie d'enseignants et le manque d'attractivité du métier ont été l'occasion de réfléchir à la formation des maîtres. Au travers de son article sur la “troisième révolution“, Antonio Novoa (U. Lisbonne) souligne le besoin d'opérer une “synthèse transformatrice“ entre écoles normales d'hier basées sur la pratique et des formations universitaires uniquement intellectuelles et théoriques. Pour cela, il s'agirait de construire un “savoir professionnel enseignant“, défini comme “un répertoire d'événements et de situations vécues, expérimentées, analysées et partagées“.

A cela s'ajoute la nécessité de mettre en place “des processus de formation mutuels, coopératifs, qui ne pourront exister sans la participation conjointe des universités, des établissements scolaires et des enseignants“. Ces derniers, en poste, sont essentiels au modèle ici présenté : “ils doivent bénéficier d'un statut équivalent à celui des universitaires, avec les mêmes pouvoirs et les mêmes responsabilités“, poursuit l'auteur. Enfin, il souhaite l'établissement d'un troisième lieu, sorte de “maison commune pour la formation et la profession“, structure institutionnelle destinée à rapprocher universités et établissements scolaires, qui fonctionne “avec des capacités de participation et de prise de décision identiques“.

Leadership

A New York ensuite, une piste qui “semble fonctionner“ concerne les plans de carrière. Dans leur article, Barbara Tournier, Chloé Chimier et Helen Weir (IIPE, Unesco) présentent le programme TCP mis en place en 2013 grâce à un accord entre le département d'éducation de la ville et le syndicat United federation of teachers (UFT). La logique était de permettre aux enseignants “de postuler à des fonctions de leadership et de prendre des responsabilités supplémentaires en échange d'un salaire plus élevé, sans renoncer pour autant à leurs activités traditionnelles“, décrivent les trois chercheuses, qui y voient l'occasion de “rompre avec la culture de l'enseignant isolé dans sa classe“.

Grâce à la mise en place d'enseignants “modèles“, “mentors“ ou de “maîtres-enseignants“, le programme a apporté des évolutions à la structure des carrières des enseignants, encourageant notamment par ce biais la collaboration entre pairs. Une réussite au niveau des pratiques collaboratives, sur la motivation des enseignants, et un “effet perceptible“ sur le recrutement de ces derniers.

Une question politique et démocratique

Pour Claude Lessard, si la crise de la pénurie d'enseignant n'est pas nouvelle, “c'est l'ampleur et l'étendue qui est inquiétante“, d'autant plus qu'elle s'accompagne de questions de société sur la relation au travail, aux savoirs. A cela s'ajoutent les réponses politiques, souvent court-termistes, soumises à la pression d'une partie de la population demandant qu'on agisse de manière immédiate. Des interrogations qui soulignent la place des syndicats, à qui “on ne peut pas reprocher“ de dénoncer les conditions de travail des enseignants et qui ont d'ailleurs été “mis dans le coup“ au Québec ou encore au Chili lors d'importantes grèves et réformes. Seulement, il serait difficile d' “avancer dans l'atténuation des effets négatifs de la pénurie sans toucher à un certain nombre d'invariables qui concernent les syndicats“, c'est à dire discuter d'autonomie ou de formation initiale et continue.

Alain Boissinot pose d'ailleurs ces interrogations : est-ce que le modèle du choix d'un métier pour toute la vie est encore pertinent ? Est-ce que modèle Français classique du fonctionnaire appartenant à un corps enseignant est le bon choix ? Ne faudrait-il pas pouvoir juxtaposer au sein d'un même établissement différents statuts selon l'engagement des enseignants ?

Revue internationale d'éducation de Sèvres n° 94, “Enseignant, un métier d’avenir“, 162p., 19€, en commande ici

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