Enseignement explicite, une notion devenue centrale mais complexe (ouvrage)
Paru dans Scolaire le mardi 16 janvier 2024.
"Le fait d'être les seuls pendant plusieurs années à soutenir la pertinence de l'enseignement explicite nous a valu (...) d'être la cible de nombreuses critiques plus suffisantes que fondées scientifiquement", déplorent Clermont Gauthier (U. de Laval) et Steve Bissonnette (Télé-université - Québec) qui signent la postface d'un ouvrage consacré à cette forme pédagogique qui a aujourd'hui les faveurs de Gabriel Attal (voir ToutEduc ici) et du Conseil scientifique de l'Education nationale, l'un des auteurs, Marc Demeuse (U. de Mons), en est d'ailleurs membre.
Avec ses co-auteurs, il entreprend de présenter à un public francophone une synthèse des travaux, pour beaucoup nord-américains, sur l'enseignement explicite qu'il ne faudrait pas confondre avec "enseignement magistral" ou "traditionnel" et qui s'oppose aux approches "(socio)constructivistes".
Elle partage pourtant en commun avec celles-ci "une évidence", "le fait que l'élève construit son savoir (...). C'est l'élève qui pense, qui établit des liens, donc qui construit." Mais les auteurs voient deux différences majeures entre les deux approches, le choix du moment où "l'élève est confronté à une tâche complexe" et le moment "auquel l'enseignant fournit une démonstration de la manière de réaliser la tâche". Les constructivistes proposent "pour faciliter la construction active des savoirs des apprenants, des situations d'apprentissage complexes et authentiques", dans le cadre d'une "pédagogie de projet". L'enseignant propose aux élèves "de chercher par eux-mêmes la manière de réaliser une tâche et leur montre comment faire (...) juste à temps et uniquement si cela est nécessaire". D'autre part, il n'évalue pas aussi fréquemment que les "instructionnistes" le travail des élèves.
L'enseignement explicite comporte trois étapes. "Le modelage" ne doit pas être confondu comme on le fait trop souvent, avec un cours magistral : "l'enseignant explique clairement les procédures permettant de réaliser les tâches proposées". Le modelage est suivie d'une seconde phase, "la pratique guidée", les élèves réalisent "en groupes ou avec l'enseignant, des tâches semblables à celles qui ont été montrées lors du modelage". Vient ensuite "la pratique autonome", les élèves réalisent individuellement des tâches similaires à celles réalisées lors des deux étapes précédentes.
Les auteurs apportent toutefois deux bémols. La démarche est itérative, non linéaire : "à tout moment, l'enseignant peut décider qu'un élève ou un groupe d'élèves doit retourner à l'étape précédente", de la "pratique autonome" à la "pratique guidée" ou au "modelage". D'autre part, la théorie ne fournit pas à l'enseignant "un éventail de possibilités suffisamment large pour affronter le réel de la classe" et il devra donc trouver "une sorte de moyen terme entre la théorie et la pratique".
A noter que la bibliographie est essentiellement nord-américaine et fait très peu de place aux théoriciens des approches socioconstructionnistes, ceux-ci publiant rarement dans des revues scientifiques, bien qu'ils aient, pour certains, des références universitaires. L'ouvrage ne donne pas non plus d'exemples de ce que pourrait être une leçon modèle avec une notion de mathématiques ou de grammaire, ou une étape dans l'apprentissage de la lecture.
"Enseignement explicite : pratiques et stratégies, quand l'enseignant fait la différence", Marie Bocquillon, Antoine Derobertmasure, Marc Demeuse (U. de Mons tous deux) Christophe Baco (enseignant spécialisé), De Boeck éditeur, 304 pages, 33,90€.