La théorie de l'enquête de John Dewey de nouveau au goût du jour ? (Revue française de pédagogie)
Paru dans Scolaire le mardi 09 janvier 2024.
“Dewey s'avère une figure inspirante pour l'éducation“ estiment les universitaires Joris Thievenaz et Michel Fabre dans une note de synthèse publiée dans le numéro 219 de la Revue française de pédagogie.
Il s'agit pour eux de resituer les travaux de John Dewey qui font l'objet d'un “regain d'intérêt“ depuis plus d'une vingtaine d'années, avec notamment le retour en philosophie de la notion de pragmatisme qui connaît “une entreprise éditoriale sans précédent“, ce qui traduit d'ailleurs un “besoin de réinterroger les questions vives qui traversent notre discipline (la recherche en éducation, ndlr) en faisant appel à des références théoriques à la fois anciennes et nouvelles“.
L'intellectuel américain, expliquent-ils, “intervient dans tous les grands problèmes politiques de son époque“ au moyen d'une “philosophie pour penser et agir sur la société“ et pour lui “à l'instar de Platon, l'éducation est le problème philosophique fondamental“.
Dès le début de sa carrière, aux USA, où son empreinte est présente dès 1906, il va s'intéresser à la pédagogie avec notamment la démarche de l'école-laboratoire qui “devient le foyer du rayonnement de l'esprit de l'éducation nouvelle dans tout le pays : introduction de pupitres mobiles dans les classes, création du lycée inférieur pour ajuster l'école aux besoins de l'adolescent, etc.“
John Dewey a en outre “mis ses principes philosophiques à l'épreuve de l'école“ à savoir ne pas se situer dans une logique applicationniste mais favoriser un “apprentissage actif “. Il utilise également le terme d' “occupation“, afin de “mettre en avant un principe pédagogique fondamental selon lequel l'éducation de l'enfant implique que celui-ci soit amené à enquêter, à explorer, à conduire des investigations en favorisant, en classe, l'observation, la manipulation, le goût pour la recherche, etc.“, c'est à dire “réunir les conditions favorables à l'expérimentation et à la découverte“. En effet selon l'auteur “notre pédagogie doit se préoccuper avant tout de placer l'enfant dans des conditions où il expérimentera directement ; de la sorte, ses idées évolueront graduellement dans et par le moyen de son activité constructive.“
Ainsi, dans cette conception de la connaissance, “l'humain apprend et développe lorsque, confronté à de l'incertitude, il s'engage dans le processus de l'enquête contrôlée, à partir d'un problème, d'une discontinuité dans le tissu de son expérience“.
Avant de disserter autour de l'interprétation et des types d'usages de la théorie de l'enquête, Joris Thievenaz et Michel Fabre constatent que la philosophie pragmatiste a été “longtemps méconnue, largement incomprise, quand ce n'est pas caricaturée“. Ils ajoutent que l'éducation est une dimension consubstancielle de la philosophie de l'expérience de Dewey, dont “Freinet se réclamait explicitement“.
En pédagogie, poursuivent-ils, elle se voit d'ailleurs “principalement représentée dans le modèle d'éducation sociale de Cousinet par le travail de groupe libre et dans la méthode active de Freinet appliquée à l'imprimerie scolaire“. En revanche “la notion d'enquête n'apparaît pas dans les travaux fondateurs de la pédagogie nouvelle“, qui lui préfère plutôt la “démarche d'investigation“.
“La Théorie de l’enquête de John Dewey“, Revue française de Pédagogie n° 219