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Origines et ambitions des enseignants qui militent au Rassemblement national (ouvrage)

Paru dans Scolaire le mercredi 27 décembre 2023.

“Dès 14 ans, j'étais plus ou moins militant frontiste, donc je ne suis pas passé d'une philosophie de gauche à une philosophie de droite (…). Dès mon âge de penser ou de juger ce qu'il se passe dans la société, j'ai été séduit par Jean-Marie Le Pen, si je puis dire, je suis un pur produit relativement pur de l'histoire idéologique de ce mouvement.“

Cette description illustre un des multiples parcours au travers desquels un enseignant peut voir ses affinités idéologiques envers le Rassemblement national “activées“ avant de s'engager. Dans l'ouvrage collectif “Sociologie politique du Rassemblement national“ Benjamin Chevalier interroge en effet Eric, Xavier, Maxence, Etienne, Laurent, tous membres du parti d'extrême droite, afin de comprendre ces profils atypiques, qui questionnent alors qu'une partie de la profession (notamment du côté des organisations syndicales) se méfierait d'un “entrisme de l'extrême droite“ devenu “sujet de discussion récurrent en salle des profs“.

Valeurs opposées

Car comme explique le sociologue , les mondes enseignants sont “largement porteurs de valeurs opposées“ au parti de Marine Le Pen, les affinités politiques étant majoritairement de gauche et du centre : selon une enquête de 2010, ce sont 65,9 % des enseignants qui se positionneraient à gauche et à l'extrême gauche dans le 1er degré (contre 0,3 % pour le RN), tout comme ils seraient 61,2 % dans le 2nd degré (versus 0,1 % pour le RN). A noter que 5 % des enseignants auraient toutefois voté pour l'ancien parti de Jean-Marie Le Pen en 2017.

Déjà, les enseignants qui adhèrent au RN le font dans la “continuité de leur socialisation politique primaire“, familiale en majeure partie, leur conférant un “attachement à un enseignement ferme et coercitif“, aux valeurs d'ordre et d'autorité et empreints d'une certaine nostalgie. Cette “forme d'affinité idéologique préalablement installée“ est nourrri par un sentiment d'injustice sociale qui a notamment été révélé par la forte exposition médiatique de Jean-Marie Le Pen.

Au regard de la majorité des professeurs, cette “déviance“ peut alors entraîner rejet et marginalisation (surtout si elle est découverte), ce qui conduit ces enseignants adhérants au FN à mobiliser des ressources “dont ils ne sont pas démunis“, comme la mise en place de stratégies d'évitement, et de se vouloir “précautionneux“ en raison d'une “suspicion généralisée“ de la part de leurs collègues.

“Ils sont précieux“

Or, il s'avère que les enseignants dont Benjamin Chevalier a pu étudier le profil développent eux-mêmes des ambitions politiques : “l'analyse de certaines carrières militantes montre qu'au sein du Front National, le métier d'enseignant permet d'amplifier certaines rétributions militantes en maximisant la probabilité de jouir d'une position électorale favorable“.

Véritables experts, ils ont des ressources professionnelles “qui peuvent accélérer leur progression au sein de l'organisation“. Du côté du parti d'extrême droite, “la présence de ces enseignants maîtrisant le langage politique institutionnel participe de l'image d'un parti rénové qui serait devenu plus fréquentable“, et ils peuvent s'avérer être, en contrepartie, “les faire-valoir de la professionnalisation du RN“.

Chapitre 7 de l'ouvrage "Sociologie politique du Rassemblement national, Enquêtes de terrain", éditions Septentrion, 328p., 25 euros

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