Eco-anxiété : L'école apporte-t-elle les bonnes réponses ? (Fondation Jean Jaurès)
Paru dans Scolaire le jeudi 14 décembre 2023.
“Les élèves sont parfois submergés par leurs émotions“ témoigne Benoît Kermoal, professeur d’histoire-géographie au lycée et secrétaire national UNSA Éducation interrogé par la fondation Jean Jaurès dans un rapport qui propose quatre pistes pour remédier à l'éco-anxiété à l'école.
Le travail d'enquête mené par Maxime Dupont, Pierre Quénéhen et Théo Verdier conclut tout d'abord à une “prééminence de l’impuissance dans la palette d’émotions associées au changement climatique“, avec près d’un Français sur deux (45 %) faisant état d’une “forme de frustration quant à sa capacité à agir“. En découle un “panel de ressentis négatifs“ comme la peur, un sentiment “assez partagé entre les générations“ mais présent en premier lieu chez les jeunes (34 % pour 18-24 ans). Il s'agit ensuite d'anxiété, de doute ou encore de colère, “omniprésente dans nos échanges avec les jeunes éco-anxieux“.
Cycle émotionnel
Benoît Kermoal fait ainsi valoir qu'à l'école primaire, “le sujet climat se mêle à d’autres thèmes et les aléas climatiques sont à gérer et expliquer dans le temps“ tandis qu'au collège la prise de conscience amènerait davantage à un souhait d’action, selon la fondation Jean Jaurès qui évoque de son côté un “cycle émotionnel enclenché par l’acquisition de savoirs objectifs“ (l’éco-anxiété n'étant pour la médecin Alice Desbiolles pas un état statique mais un état dynamique, ndlr). De quoi poser la question de la capacité de l'Education nationale et des enseignants à y faire face, notamment car la formation de ces derniers “reste lacunaire sur ces enjeux“. 73 % estiment d'ailleurs ne pas être assez outillés et formés pour enseigner l’environnement et le climat aux élèves.
Plus précisément, explique Laure Pillot, enseignante à l'université d'Angers et formatrice INSPÉ, les enseignants feraient face à des difficultés “pour capter et encadrer ces espaces d’expression des émotions, en vue d’accompagner la prise de parole tout en accompagnant l’acquisition de connaissances“, ce que ne cache pas le Conseil supérieur des programmes, pour qui “le problème est quand même assez récent et peu de gens se sont penchés sur la question précise de la manière de le résoudre“.
La fondation Jean Jaurès ajoute à cela la nécessité d'un “renforcement des capacités de suivi médical en milieu scolaire“, l’impact du fait environnemental sur l’anxiété des jeunes restant “un angle mort de la formation des psychologues de l’Éducation nationale“.
Dissonance
Si les mesures récentes qui renforcent l’enseignement du développement durable (EDD) “sont perçues comme des signaux positifs“, dont l’approche par la mise en action “plébiscitée par les acteurs de l’Éducation nationale“(le rapport fait référence aux projets collectifs pouvant être portés dans le cadre des responsabilités en tant qu’éco-délégué, ndlr), la pédopsychiatre Marion Robin pointe le risque d' “amener à une dissonance entre les capacités de développement de l’action (faibles ressources, impact limité, impact territorial circonscrit) et l’échelle des effets du changement climatique, risquant de renforcer l’éco-anxiété et expliquant l’impuissance principalement ressentie par les Français.“
Et bien que l'EDD aspire à la transversalité, “la logique en silos de l’Éducation nationale vient heurter l’ambition de transversalité de l’EDD“, tout comme il est difficile de trouver du temps d’échange et de concertation dans l'organisation scolaire actuelle, pourtant indispensables au “développement d’une pensée critique et complexe“ permettant une réappropriation du sujet du changement climatique et d’en intégrer la réalité.
Le rapport ici