Formation et recrutement des professeurs des écoles : l'inspection générale propose leur réorganisation
Paru dans Scolaire le vendredi 08 décembre 2023.
Pour la formation des futurs professeurs des écoles, l'Inspection générale recommande "la mise en place d’une formation du même format que celle délivrée dans tous les pays qu’elle a pu visiter, à savoir une formation longue, en cinq ans, débutant immédiatement après le baccalauréat". Il s’agit là de "la recommandation principale" du rapport d'une mission emmenée par Ollivier Hunault et Marie-Hélène Leloup. La mission estime que les difficultés actuellement rencontrées dans le premier degré et la "dégradation importante ces dernières décennies des compétences des élèves dans des champs comme l’orthographe ou le calcul" sont au moins partiellement dues "à des insuffisances de la formation initiale des professeurs des écoles".
Se pose aussi la question du manque d’enseignants qualifiés dans le premier degré, et de candidats aux concours. On ne comptait en 2021 pour chaque poste offert que 1 à 2 candidats présents aux épreuves écrites dans les académies de Créteil et de Versailles et en Guyane. Dans cinq autres académies, on en a compté deux ou trois, et un maximum de 7 dans 15 autres académies. "La situation difficile" que rencontre l’enseignement primaire n’est pas due au manque d'engagement des professeurs des écoles mais à leur "manque de connaissances disciplinaires, pédagogiques ou didactiques". Ces connaissances "auraient dû être acquises avant l’entrée dans le métier", ce qui amène les inspecteurs à "interroger" leur formation initiale et leur mode de recrutement.
Il faut en effet créer, éventuellement "dès la première année de licence", une certification permettant de s’assurer que les étudiants "disposent effectivement des connaissances de base en français et en mathématiques", sans modifier pour autant le positionnement du concours en fin de M2". En Irlande, aux Pays-Bas, en Suisse, en Italie ou au Portugal, sous des formes diverses, "le parcours pour devenir professeur des écoles est "proposé à la suite du baccalauréat, et long de quatre à cinq années". Et, selon l'Inspection générale, il n'y a pas lieu de s'interroger sur le devenir de ceux qui renonceraient en cours de route à leur projet ou qui échouerait au CRPE : "La question de l’insertion professionnelle se pose sans doute beaucoup moins pour un tel cursus", "très ouvert", "fournissant des bases solides dans les fondamentaux et des connaissances importantes dans le maniement des nouvelles technologies" et donc "susceptible de permettre une adaptation rapide dans d’autres contextes professionnels". Il faut plutôt se demander "comment faire en sorte que les étudiants formés pour devenir professeurs des écoles ne soient pas tentés par des carrières plus lucratives que celle de professeur des écoles".
La mission constate par ailleurs que "la formation actuellement délivrée dans les INSPÉ ne donne pas pleinement satisfaction tant aux futurs professeurs qu’à l’institution elle-même". Celle-ci doit donc évoluer sans que les INSPE ne sortent de l’université, d'autant "qu’un renforcement de la recherche dans les INSPÉ est nécessaire."
Elle recommande donc la préparation d’une licence préparant au métier de professeur des écoles suivie d’un master, et la mise en place d'un "soutien financier aux étudiants (...) sous forme d’emplois rémunérés" qui pourraient prendre "une forme similaire aux contrats d’AED en préprofessionnalisation ou à ceux de contractuel alternant (...). Les étudiants pourraient ainsi se voir confier, par exemple, un quart temps en M1 et un tiers temps en M2." Elle estime que le concours devrait être recentré "sur les compétences professionnelles développées lors de la formation", les épreuves disciplinaires étant inutiles puisque la certification préalable aurait déjà permis de s'assurer de la maîtrise des connaissances nécessaires à l'enseignement dans le 1er degré.
Quant aux PPPE, "Parcours préparatoires au professorat des écoles", ils "permettent d’accueillir des étudiants encore hésitants sur leur orientation", et ils "ne sont pas une formation spécifiquement dédiée à la formation des professeurs des écoles", ils "ne peuvent qu’être un complément à la formation de futurs professeurs des écoles". La mission recommande de ne pas augmenter le nombre de places offertes, 1 500 actuellement, d'autant que "certains PPPE rencontrent des difficultés à recruter des étudiants d’un niveau suffisant pour suivre à la fois la licence et les enseignements délivrés au lycée".
Des étudiants satisfaits des PPPE
L'inspection générale publie d'ailleurs une "note d'étape" consacrée aux PPPE. Ses auteurs "ont pu constater (...) combien la conception et les finalités du parcours étaient appréciées par les étudiants" qui soulignent "la qualité de l’engagement de leurs professeurs à leurs côtés. Cet avis concerne notamment les équipes pédagogiques du lycée (...). Beaucoup d’étudiants soulignent la générosité du temps qui leur est consacré, souvent en dehors des heures de cours (...). Des étudiants passés par des phases de découragement disent avoir été remobilisés par leurs professeurs."
Ils ont "choisi le PPPE pour son caractère pluridisciplinaire", mais ceux dont le cursus est adossé à une licence disciplinaire en "pointent régulièrement les exigences qu’ils estiment décalées par rapport au niveau d’enseignement qu’ils auront à assurer", notamment en mathématiques.
Les étudiants soulignent par ailleurs régulièrement les difficultés d’organisation des stages de L1 et L2. "Celles-ci concernent leur implantation, leurs objectifs, leur évaluation et l’ensemble de la communication adressée aux intéressés, professeurs d’accueil et stagiaires". Au-delà, c'est la qualité des relations entre les lycées, les universités et le rectorat (ou la DSDEN, la direction départementale de l'Education nationale) qui est en cause. Comment "harmoniser des cultures très différentes, celle plutôt 'cadrante' du lycée et celle de l’université dont l’organisation s’appuie sur la capacité des étudiants à être autonomes" ? "La conception du pilotage, comme la réalité de son exercice, dépendent souvent de la genèse du parcours et des relations interpersonnelles qui s’y jouent."
D'autre part, les étudiants qui ont déjà eu un parcours de préprofessionnalisation "expriment parfois une interrogation quant à l’intérêt d’une poursuite d'études en master MEEF. Cette interrogation invite à penser de façon spécifique l’accueil de ces étudiants en M1 à l’INSPÉ." Quant à la formation par la recherche, "dans de nombreux PPPE, (elle) se cantonne à une présentation de travaux de recherche (...). L’aspect 'recherche' ne va pas au-delà d’un apport de connaissances, les étudiants n’étant pas impliqués dans une activité de recherche."
Le rapport "La formation initiale des professeurs des écoles en France" et la note "Parcours préparatoires au professorat des écoles" sont téléchargeables ici et ici.