Comment améliorer le repérage et la prévention des violences sur mineurs à l'école ? (Table-ronde - Assemblée Nationale)
Paru dans Scolaire, Périscolaire, Justice le jeudi 07 décembre 2023.
Comment améliorer le repérage et la prévention des violences sur mineurs à l'école ? Une petite dizaine de représentants syndicaux de directreurs.rices d'école, d'assistants sociaux ou encore de professeurs des écoles et d'enseignants étaient invités mercredi 6 décembre par la délégation aux droits de l'enfant à faire part des difficultés rencontrées en matière de protection de l'enfance.
Les informations préoccupantes, messages d'alerte sur des violences présumées transmis à la cellule départementale chargée de les traiter (CRIP), “passent toujours par les directeurs d'école“, raconte Roseline Ducandas, elle-même à ce poste et secrétaire nationale adjointe du syndicat de la profession (S2DE), seulement la difficulté dans le 1er degré est de devoir “traiter ces cas en urgence, (alors) que parfois nous sommes chargés de classe“.
Signalements
Surtout, deux problèmes récurrents à tous les interlocuteurs émergent de ses propos : une procédure de recueil et de signalement qui “n'est pas la même selon les départements“, et la peur de représailles des familles quand elles comprennent que l'information est venue de l'école : “on peut être victime de violences de la part des parents“. Et Véronique Beaulieu, du Syndicat national des écoles (SNE-CSEN) d'éprouver en particulier ce sentiment “quand les menaces sont faites le soir à la sortie de l'école sur le parking, quand cela concerne l'enfant d'une personne sous emprise, alcool, drogue, d'un notable également, d'un élu éventuellement“.
Chantal Feltes Griselhouber, du Syndicat national des assistants sociaux de l’éducation nationale (SNASEN-UNSA), constate que “les IEN, les directeurs d'écoles et les enseignants du 1er degré se sentent seuls et démunis face à cette mission de protection de l'enfance“, ce que confirme Véronique Beaulieu qui ajoute que cela est dû au manque de formation au repérage, et à la gestion des situations révélées ou pressenties.
Ainsi, les situations de suspicion “doivent pouvoir s'appuyer sur une équipe pluriprofessionnelle encore trop peu etoffée du fait du manque de moyens, de personnels, de l'absence de soutien hiérarchique“, argumente Céline Sierra, du SNUIPP-FSU. D'ailleurs, “les infirmiers et psys scolaires reconnaissent que la prise en charge leur pose des difficultés car ils ne connaissent pas tout le système de protection de l'enfance“, ajoute Chantal Feltes Griselhouber, qui estime que “l'Education nationale doit se rappeler qu'elle a un service compétent et formé dans ce domaine, mais actuellement sous doté pour faire face à cette mission“.
Et le pire, ce peut être des situations d'auto-censure de certains personnels, explique Edouard Laignel du Syndicat national des collèges et des lycées (SNCL), quand des assistantes sociales débordées leur indiquent que “ce n'est pas sûr qu'en faisant quelque chose, ce soit moins pire que la situation dans laquelle l'enfant peut se trouver actuellement“.
Soraya Massy, du SD2E, pointe de son côté le manque de suivi, souhaitant “juste savoir si la demande a été prise en charge, si la parole de l'école a été vraiment respectée, quand on voit au bout de quelques mois il n'y a rien qui se passe, je reçois un courrier disant que la famille n'a pas besoin d'AMO, de suivi alors qu'il y a des carences, or pour les services sociaux ce n'est pas inquiétant. Je suis démunie par rapport à ces dossiers là.“
Prévention et Education à la sexualité
S'ajoute à ce tableau la prévention apportée sur les violences subies par les enfants à l'école, sujet pour lequel le manque de formation des enseignants à l'Education à la sexualité et à la vie affective (EVAS) a également été souligné à maintes reprises.
“Les parents sont très réticents, dès la rentrée ils viennent demander aux enseignants si ils vont faire de l'enseignement à la sexualité“, affirme Natacha Delahaye, du SNUIPP-FSU. “Ils pensent qu'on va apprendre aux élèves la vie sexuelle“, poursuit-elle, c'est pourquoi elle plaide pour une formation solide “visant à expliquer les objectifs, les tenants et aboutissants de cette éducation“.
Soraya Massy, du SD2E, pense même que les enseignants eux-mêmes “ne veulent pas aborder cela avec leurs élèves sans formation“, et quand est évoquée l'auto-formation, Céline Sierra assure que “ce n'est pas si simple que ça, car c'est très personnel le rapport à la sexualité. Il faut une formation qui ait du recul, du détachement par rapport à son propre vécu“. Elle souhaiterait un élargissement de la circulaire de 2018 sur l'Enseignement à la sexualité (qui le fait débuter en CP, ndlr). “On n'a pas le choix de nos formations, on aimerait bien être formées“ déplore d'ailleurs Véronique Beaulieu, qui propose de renommer le programme Education à la vie affective et à l'INTIMITE. Pour Céline Sierra, il faudrait surtout que les enseignants y soient formés lors de leur formation initiale, et ôter les doutes de la population sur le sujet car “il y a des associations de parents qui vont faire pression sur les directeurs et enseignants (pour empêcher ces cours), il faut une opposition forte pour dire qu'il n'y a pas le choix“.
Stéphanie Paris (SNE-CSEN) a enfin livré un poignant témoignage sur des parents qui s'occupaient de leur enfant porteur de handicap “comme d'un animal“, et qui refusaient qu'il s'élève intellectuellement : “à chaque fois que l'école mettait en place des dispositifs, soit ils lui faisaient manquer l'école, soit ils ne continuaient pas ce qui était proposé, ils reculaient, ils l'empêchaient d'évoluer“. Cependant, rédiger une information préoccupante contre ces parents lui a “explosé à la figure“, assure-t-elle, les accuser se révélant très compliqué, “comme si ils ne pouvaient pas être défaillants au même titre que les autres“, ce qui s'est traduit par “un mur institutionnel qui rejetait la faute sur l'école“, qui n'avait pas mis en place l'adaptation nécessaire, or “ce qui était sous-jacent c'est que de toute façon l'institution n'avait pas moyen de l'accueillir puisque les familles d'accueil n'étaient pas équipées pour les enfants autistes“.
Interrogée en fin de session sur le nombre d'informations préoccupantes rédigées en France chaque année à l'école, la présidente de la délégation, Perrine Goulet, a souhaité que soit construite cette connaissance, car “cela n'est pas rassurant, mais c'est dans toute la protection de l'enfance que nous n'avons pas les données, ce n'est pas que dans l'Education nationale“.
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