Génération 2017 : Comment se situent les jeunes dans les métiers en tension ? (CEREQ)
Paru dans Scolaire, Orientation le vendredi 01 décembre 2023.
Plus d'offre que de demande. Certaines familles de métiers subissent un “dysfonctionnement du marché du travail“, une tension que l'arrivée de jeunes, diplômés ou non, peut potentiellement réguler. Le CEREQ propose une analyse pour trois d'entre elles.
BTP
Conducteurs d’engins de chantier, agents de maîtrise ou encore de cadres techniques et ingénieurs.. 6,5 % des jeunes ayant terminé leurs études en BTP en 2017 et ayant travaillé au cours des trois années suivantes y ont exercé un métier, soit environ 43 000 jeunes. De quoi les qualifier de “métiers d’ancrage“ en raison de la hausse progressive sur trois ans de la part de ces métiers dans l’emploi des débutants (de 4,9 à 5,4 %), qui se rapproche alors de leur poids dans la population totale en emploi (6,6 %).
“Les jeunes qui démarrent leur vie active dans ce domaine professionnel peuvent donc s’y inscrire durablement“, estime ainsi le CEREQ. Y travaillent des jeunes issus d’autres formations (56 %) et des jeunes directement formés à ces métiers (44 %), même si 43 % de ces derniers s’en détournent.
Les jeunes qui ont eu une expérience, c'est à dire au moins un emploi en BTP, semblent y rester, qu'ils aient été formés à ces métiers (84 %) ou non (74 %). Les conditions du premier emploi occupé apparaissent encore plus déterminantes, les jeunes démarrant en emploi à durée déterminée (EDD) et/ou avec un temps partiel subi quittant plus souvent que les autres ces métiers.
Hôtellerie-Restauration-Alimentation
Sont ensuite étudiés les métiers en hôtellerie-restauration-alimentation (HRA) : métiers de bouche, travail en cuisine et métiers de l’hôtellerie et de la restauration. Beaucoup plus de jeunes, 90 000 soit 13,7 % de ceux qui ont terminé leurs études en 2017, ont exercé au cours des trois ans des métiers de ce domaine, mais ce sont davantage des “points d’entrée“ sur le marché du travail pour beaucoup de jeunes débutants qui ne s’y inscrivent pas durablement. En effet, le poids de l’HRA dans l’ensemble des emplois occupés par les jeunes pendant leurs trois premières années de vie active, s'il reste plus élevé que pour l’ensemble de la population en emploi (4,5 %), “baisse sensiblement entre le premier et le dernier emploi observé“ (de 10,4 % à 8,8 %).
Ces métiers s'exercent souvent rapidement après la fin des études des jeunes, c’est même leur premier emploi pour les trois quarts d’entre eux, même s'ils ne s'inscrivent pas forcément durablement dans la filière. D'ailleurs les métiers de l’HRA “ne font pas de la formation un prérequis“, avec seulement un tiers de jeunes formés à ces métiers parmi ceux y ayant travaillé.
Il s'agit donc d'une “voie d’accès privilégiée au marché du travail“, dont la place dépend cependant du parcours. Si la majorité des jeunes formés à ces métiers s’y inscrivent et s’y maintiennent, les jeunes non formés les quittent plus souvent, c’est le cas de 45 % d’entre eux. Une des raisons réside dans l'exposition à de moins bonnes conditions d’emploi lors de leur embauche, comme le temps partiel imposé qui touche en priorité les non-formés à ces métiers : seul un non-formé sur deux travaille à temps plein, contre quatre sur cinq parmi les formés.
Techniciens et Ingénieurs de l’informatique
“Largement ouverts aux jeunes“, les métiers de techniciens et d’ingénieurs de l’informatique concernent plus de 27 000 sortants de formation initiale de 2017 (soit 4 % de ceux ayant travaillé lors de leurs trois premières années de vie active). Sur les trois premières années d'exercice, leurs poids parmi les emplois occupés par les débutants “ne cesse d’augmenter“ (de 3,2 % à 3,5 % entre le premier et le dernier emploi) et reste “bien plus conséquent dans l’emploi des jeunes que dans la population totale en emploi (2,2 %).“
Ils attirent une main-d’œuvre qualifiée avec un large spectre de recrutements, se répartissant à parts égales entre sortants d’une formation à l’informatique et sortants d’autres spécialités. Les jeunes qui entament leur vie active par un de ces métiers y restent durablement, c’est le cas de 93 % de ceux qui sortent avec une formation en informatique et de 79 % des autres.
Formés ou non formés, les jeunes embauchés de ce secteur connaissent des conditions de première embauche proches, mais si ces métiers sont attractifs, ils se trouvent paradoxalement confrontés à une proportion importante de jeunes qui, bien que formés à l’informatique, n’y travaillent pas : 43 %. Pourquoi ? Notamment du fait d'embauches sélectives pour ceux qui n'ont pas validé leur formation (80 % de recalés vs 31 % de ceux qui ont obtenu leur diplôme en informatique), et à cause d'une “représentation genrée“ qui pèse sur la sélection. Un phénomène à relativiser, certains jeunes formés pouvant exercer des métiers connexes mobilisant des compétences en informatique.
Multiples dimensions
Au final, “la question de l’insuffisance ou non du volume de jeunes formés est donc complexe à trancher“, conclut le CEREQ de son analyse du décalage entre les compétences des candidats et les attentes des employeurs, car “la formation ne semble pas être la seule dimension en jeu“ notamment dans les métiers du BTP, où “c’est plutôt la qualité des conditions d’emploi à l’embauche qui se révèle cruciale pour à la fois garder les jeunes non formés et capter ceux qui y ont été formés.“ Et si le diplôme et la formation ont plus d'importance dans les métiers de l'informatique ou ceux de l'HRA, pour ces derniers ce serait “avant tout la faiblesse des coûts de la main-d’œuvre“ qui importerait dans l'accueil des débutants.
Céreq Bref n° 446 “Métiers en tension : les jeunes peuvent-ils être une réponse ?“ ici