L'efficacité des groupes de niveau sérieusement mise en cause par la recherche française et internationale (IDEE)
Paru dans Scolaire le jeudi 30 novembre 2023.
"Les regroupements permanents, tels que les classes de niveau, sont inefficaces". C'est l'un des principaux résultats de la recherche selon une note publiée par le programme IDEE (Innovations, Données et Expérimentations en Éducation). Ce programme, financé par l'ANR (Agence nationale de la recherche) dans le cadre des "Investissements d'avenir" et porté par PSL (Paris Sciences & Lettres) (voir ToutEduc ici) publie une "note" sur la "différenciation des apprentissages" et apporte ainsi sa contribution à la mission "Exigence des savoirs" à qui Gabriel Attal a demandé d'explorer des solutions répondant aux "enjeux posés par l'hétérogénéité du niveau des élèves". IDEE propose de plus ses services pour "mesurer l'impact des différentes modalités de différenciation, en utilisant des évaluations d'impact randomisées".
En ce qui concerne le redoublement, "de nombreuses études concluent à son inefficacité, voire à son impact négatif sur les apprentissages des élèves". De plus, "à niveau scolaire équivalent", un élève de 15 ans issu d’un milieu défavorisé a une probabilité 1,5 fois plus élevée qu’un élève issu d’une classe sociale moyenne ou supérieure".
"La création de classes ou groupes de niveau a un petit effet négatif (...) : ni les élèves les plus performants, ni les élèves les moins performants ne bénéficient de la mise en place de classes de niveau (...) Les études témoignent d’une forme de prophétie auto-réalisatrice, les attentes des élèves et des enseignants étant moindres (dans les classes de plus faible niveau)."
Les programmes de tutorat "améliorent de manière significative les résultats scolaires (tant en mathématiques qu’en lecture"), avec un effet global de 0,37 écart-type, à la condition qu'il soit réalisé par des enseignants ou des paraprofessionnels plutôt que "par des tuteurs non professionnels ou des parents" et "pendant le temps scolaire".
Sans être une panacée, puisque "les études d'impact sur ce sujet" ont "un niveau de preuve assez faible", "des regroupements transitoires et flexibles, comme les groupes de besoin au sein de la classe, l’apprentissage en petits groupes coopératifs et le tutorat, “font état de résultats plus encourageants", de l'ordre de 0,25 écart-type (rappelons que les dédoublements ont un effet de 0,08 écart-type en français, 0,14 en mathématiques, ndlr). Mais la mise en œuvre des groupes de besoin requiert "une approche souple de la part des enseignants, qui doivent réorganiser les groupes régulièrement". Bénéficieraient surtout de ces groupes de besoin "les élèves à haut ou faible niveau d'aptitude" ainsi que les élèves à "besoins éducatifs particuliers". Les résultats seraient "positifs pour les élèves du primaire, mais nuls pour les élèves du secondaire", "positifs pour les groupes de besoin en mathématiques", mais nuls en lecture.
L'apprentissage en petits groupes coopératifs aurait "des tailles d’effets comprises entre 0,4 et 0,5 écart-type (...), soit une très forte efficacité. Cette modalité apparaît comme étant plus efficace si elle est utilisée sur une courte durée, plutôt que sur le long terme."
Les auteurs de la note, Marc Gurgand et "l'équipe IDEE" estiment encore que "la flexibilité dans le regroupement au sein de la classe est une caractéristique essentielle" pour éviter "d’enfermer les élèves dans un groupe de niveau fixe qui pourrait être stigmatisant". Il faut donc disposer d' "évaluations préalables et régulières des connaissances des élèves et des obstacles à leurs apprentissages", ce qui suppose que les enseignants y soient formés. Les études "pointent également la nécessité de garantir l’acquisition des savoirs fondamentaux, plutôt qu’un curriculum que l’enseignant devrait impérativement avoir terminé avant la fin de l’année scolaire".
Ils évoquent encore un dispositif légèrement différent, les "classes personnalisées", hétérogènes, avec "des temps communs", "des temps où chaque élève travaille des consignes qui lui sont propres, et des situations de coopération entre élèves". Quant à la "pédagogie de la maîtrise des apprentissages", elle veut qu'avant de passer à un autre chapitre, les élèves qui réussissent moins de 80 % des items d'un test "reçoivent un soutien supplémentaire". Pour leur part, "les outils numériques peuvent apporter des solutions complémentaires, ou substituables, au principe des groupes de besoin". Ils ont "également la capacité de fournir une rétroaction immédiate aux élèves sur leur performance". Toutefois, "les études menées sur le numérique éducatif en général et sur les EdTech en particulier, en France et à l’international, suggèrent un énorme potentiel, mais présentent un bilan contrasté, ne permettant pas d’affirmer que l’usage des technologies de l’éducation améliore systématiquement les apprentissages des élèves." Les études doivent porter sur chacun des programmes proposés par les EdTech.
La note d'IDEE ici