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Enseignement catholique : une direction diocésaine n'est pas chargée par l’Etat d’une mission de service public (Conseil d'Etat, une analyse d'A. Legrand)

Paru dans Scolaire le vendredi 24 novembre 2023.

Un élève d’une école privée catholique sous contrat d’association, située en Haute Garonne, avait un comportement violent. La directrice de l’établissement a donc demandé un rapport à une psychologue scolaire, employée par la direction diocésaine de son école, puis saisi d’une “information préoccupante“ la cellule départementale de recueil de traitement et d’évaluation de Haute Garonne (créée par la loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance et placé sous l’autorité du président du conseil départemental, cet organisme recueille toutes les informations concernant les enfants en danger ou en risque de l’être et veille à leur traitement par les autorités concernées..). On entend par information préoccupante tout élément d’information, y compris médical, susceptible de laisser craindre qu’un enfant se trouve en situation de danger et puisse avoir besoin d’aide. En vertu d’une loi du 5 mars 2007 réformant la protection de l’enfance, c’est au président du conseil départemental qu’il appartient de recueillir, de centraliser et de traiter les informations préoccupantes concernant les enfants en danger ou en risque de l’être. En l’espèce, cependant, aucune mesure de protection sociale n’a été prise.

La mère de l’enfant a, sans succès, demandé la communication des documents établis par la psychologue et obtenu le soutien de la CADA qui a donné globalement un avis favorable à la communication des documents : malgré cet appui, la direction diocésaine de l‘enseignement catholique de Haute Garonne a opposé un nouveau refus à la demande de communication. Le TA de Toulouse a alors été saisi d’une requête tendant à l’annulation de la décision du diocèse, qu’il a rejetée en estimant qu’elle ne relevait manifestement pas de la compétence de la juridiction administrative. Saisi en cassation, le Conseil d’Etat confirme le rejet de la requête, au prix d’une substitution de motif, dans une décision du 13 novembre 2023, éclairée par les conclusions du rapporteur public, Laurent Domingo, parues sur ArianeWeb.

Le Conseil commence par censurer l’ordonnance de Toulouse. Il lui reproche d'avoir statué que la décision de la décision diocésaine avait été contestée devant une juridiction manifestement incompétente parce que les documents réclamés ne constituaient pas des documents administratifs dans la mesure où ils ne relevaient pas de l’exercice de prérogatives de puissance publique.

Selon l'article L. 300-2 du code des relations entre le public et l'administration, concernant la communication des documents administratifs aux particuliers, "sont considérés comme documents administratifs, … les documents produits ou reçus, dans le cadre de leur mission de service public, par l'Etat, les collectivités territoriales ainsi que par les autres personnes de droit public ou les personnes de droit privé chargées d'une telle mission". Et, selon la jurisprudence, comme le rappelle un arrêt rendu en décembre 2021 par le Conseil d’Etat, "une personne privée qui assure une mission d'intérêt général sous le contrôle de l'administration et qui est dotée à cette fin de prérogatives de puissance publique est chargée de l'exécution d'un service public. Même en l'absence de telles prérogatives, une personne privée doit également être regardée, dans le silence de la loi, comme assurant une mission de service public lorsque, eu égard à l'intérêt général de son activité, aux conditions de sa création, de son organisation ou de son fonctionnement, aux obligations qui lui sont imposées ainsi qu'aux mesures prises pour vérifier que les objectifs qui lui sont assignés sont atteints, il apparaît que l'administration a entendu lui confier une telle mission."

Il résulte de la jurisprudence que, même dans ce cas, une personne privée peut quand même assurer une mission de service public. Le juge de Toulouse ne contestait d’ailleurs pas expressément le caractère de service public de la mission de la direction diocésaine. "En ayant eu recours au critère de la prérogative de puissance publique, dit le rapporteur public, le premier juge a entaché son ordonnance d’une erreur de droit."

Mais, ajoute-t-il, en l’espèce, la personne sollicitée pour fournir les documents, "ce n’est pas la psychologue, qui n’a pas agi à titre indépendant, mais l’institution au nom et pour le compte de laquelle elle est intervenue", c'est-à-dire, dit le rapporteur public, la direction diocésaine. Or, constate le Conseil d’Etat, c’est avec l’OGEC, chargé de la gestion de l’école Sainte-Marthe, que le contrat d’association a été conclu. Même si la direction diocésaine exerce certaines prérogatives à l’égard de cet établissement, cela "ne permet pas de la regarder come un organisme gestionnaire de ce dernier et comme étant elle-même chargée par l’Etat d’une mission de service public".

Le Conseil d’Etat réitère donc la décision d’incompétence de la juridiction administrative, mais sur un autre motif que celui du juge de Toulouse : cette juridiction est incompétente pour juger un litige entre deux personnes privées dont aucune n’est chargée d’une mission de service public. Il rejette donc le recours, en indiquant qu’il appartient au demandeur de s’adresser également à la personne publique ou à la personne privée chargée d’une mission de service public qui est susceptible de détenir ces documents parce qu’elle les a reçus, possiblement ici la directrice de l’établissement qui a transmis l’information préoccupante.

La décision n°466958 du 13 novembre 2023 ici

André Legrand

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