Archives » Actualité

ToutEduc met à la disposition de tous les internautes certains articles récents, les tribunes, et tous les articles publiés depuis plus d'un an...

"La gauche ne gagnera pas en 2027 si elle n'a pas un projet pour l'éducation" (Vincent Peillon)

Paru dans Scolaire, Périscolaire le jeudi 23 novembre 2023.

La gauche ne reviendra pas au pouvoir si elle n'a pas un projet pour l'éducation, ce projet doit être commun à toute la gauche et il doit avoir pour priorités le primaire, la formation des enseignants du primaire et la mixité sociale. C'est en substance le message qu'ont fait passer, hier 22 novembre Vincent Peillon et Najat Vallaud-Belkacem. Les deux anciens ministres de l'Education nationale intervenaient lors d'une rencontre organisée par la Ligue de l'enseignement et la Ville de Paris pour les 10 ans de la "loi de refondation", l'occasion d'en faire le bilan, en positif et en négatif et de refuser de céder au pessimisme auquel la situation actuelle pourrait y inciter les divers intervenants.

Pour Vincent Peillon, "le pays va payer très cher et très longtemps" les effets des politiques conduites depuis 2017. Il dénonce la "caporalisation" des enseignants, la "réforme détestable" de l'enseignement professionnel dont la philosophie est de faire travailler les jeunes le plus tôt possible, à rebours de l'Histoire qui a tendu à augmenter le temps scolaire, et "le maccarthysme qui s'est introduit dans l'Education nationale" avec Jean-Michel Blanquer et le discours sur les "islamo-gauchistes". Il dénonce aussi "les mensonges" de Gabriel Attal lorsque celui-ci dit qu'il n'y a jamais eu une telle augmentation du budget de l'Education nationale. De 2012 à 2017, il a augmenté de 13 % contre 12 % entre 2017 et 2022, et, si on tient compte de l'inflation, il a augmenté pendant la première période tandis qu'il a baissé (- 1,8 %) pendant la seconde. Il s'agace plus encore des "silences" d'une parole publique qui fait comme si tout avait commencé en 2017... Lui-même n'a jamais nié que sur le décrochage, il s'est inscrit dans la continuité de ce qu'avait commencé Luc Chatel.

De même sur les rythmes scolaires, dont il souligne l'importance : "Nous ne mesurons pas leur impact sur la vie quotidienne" des familles défavorisées, qui n'ont pas les moyens d'envoyer leurs enfants faire du judo ou du poney le mercredi matin, et pour les enfants dont l'école est le seul moyen d'émancipation, d'autant qu'y sont organisées des activités périscolaires. "Grâce à vous, ma fille a fait du sport et découvert le théâtre, ce qui aurait été impossible sinon", lui dit une maman.

Il ajoute que "la droite était pour" le retour aux 4,5 jours, que Luc Chatel avait préparé et budgété, que les syndicats, également d'accord, lui avaient demandé "d'aller vite" pour que la question soit "derrière nous", mais qu'il s'était heurté à la pusillanimité de François Hollande qui a dit aux maires qu'il n'y avait pas d'urgence, de Jean-Marc Ayrault qui a refusé que la mise en oeuvre de la réforme soit envisagée en interministériel, avec la Culture et la Jeunesse notamment, et à un arbitrage financier perdu qui aurait permis de compenser pour les enseignants cette demi-journée supplémentaire. Françoise Moulin-Civil, qui était alors rectrice à Lyon, évoque aussi "des ratés", notamment le fait d'avoir aligné les maternelles sur l'élémentaire et de ne pas avoir tenu compte des réticences des enseignants à laisser à des animateurs leur salle de classe.

Mais Rozenn Merrien (présidente de l'ANDEV, les cadres éducation des collectivités) fait remarquer que le bilan est, malgré tout, positif, "il y a de beaux restes" de la loi de 2013. Des collectivités qui ne se seraient pas engagées dans une démarche de co-éducation ont aujourd'hui un PEDT (projet éducatif de territoire) qui permet de penser globalement les temps de l'enfant, de valoriser ses temps de loisirs, de réunir enseignants et animateurs, ces derniers ayant gagné en considération, de même que les ATSEM, tandis que la posture des IEN a évolué.

Le second des thèmes qui est revenu avec force lors de cette rencontre est la mixité sociale et scolaire, dont on n'entend très peu parler depuis 2017. Pour Najat Vallaud-Belkacem, la situation est "incompréhensible", "insupportable", la ségrégation est "terrifiante". Pourtant, la politique qu'elle a menée, "partir des territoires et travailler avec les acteurs de terrain" et trouver des solutions "toutes différentes" en fonction des configurations locales a été bien reçue par les collectivités. "On a été dépassés par le succès" puisque 46 départements et 84 communes étaient, à la fin de la mandature, volontaires pour mettre en place des dispositifs favorisant la mixité sociale dans les collèges. Mais depuis, "aucune impulsion politique" n'est venue soutenir, depuis le ministère, les acteurs qui s'étaient engagés dans la démarche. Laurent Delrue (alors responsable du projet en Haute-Garonne) dit pourtant l'importance du travail avec le DASEN et le nombre de réunions publiques qu'il a fallu pour vaincre les réticences, démolir deux collèges en REP+ et en bâtir deux autres quelques centaines de mètres plus loin, mais sur la frontière d'un secteur très favorisé... Choukri Ben Ayed (U. de Limoges), qui a suivi ce chantier et dont l'expertise scientifique a été très précieuse pour les maîtres d'oeuvre, souligne pour sa part l'importance de la "montée en puissance des départements" dont la volonté politique et les outils de prospective sont décisifs pour toutes ces opérations de lutte contre la ségrégation scolaire. Najat Vallaud-Belkacem souligne, seule consolation, que personne n'ose plus s'afficher "contre la mixité sociale", malgré des discours, démentis par les faits, y compris pour les bons élèves, sur une éventuelle baisse de niveaux et un "nivellement par le bas".

Mais au-delà de l'examen de telle ou telle politique publique, c'est la conduite même de ces politiques qui est envisagée. Xavier Pons (Lyon 1) distingue trois grands modèles. Après guerre, ces politiques sont co-construites et co-gérées avec un certain nombre d'acteurs, notamment les syndicats. En 2005, François Fillon, alors ministre de l'Education nationale, fait entrer de nouveaux acteurs pour diluer le pouvoir des organisations représentatives. Nous sommes maintenant à l'heure de la "fast politique", tout est toujours urgent, "pour surprendre les acteurs", et on impose des "solutions miracles", souvent inspirées de l'étranger. Mais, entre 2012 et 2017, "on s'est intéressé au point de vue des personnes intéressées", estime l'universitaire.

C'est cet idéal que promeuvent Najat Vallaud-Belkacem et Vincent Peillon, mais celui-ci indique que s'il appelle la gauche à construire un programme pour l'éducation autour de deux priorités, le premier degré et la mixité sociale, ce n'est pas lui qui s'en chargerait.

« Retour


Vous ne connaissez pas ToutEduc ?

Utilisez notre abonnement découverte gratuit et accédez durant 1 mois à toute l'information des professionnels de l'éducation.

Abonnement d'Essai Gratuit →


* Cette offre est sans engagement pour la suite.

S'abonner à ToutEduc

Abonnez-vous pour accéder à l'intégralité des articles et recevoir : La Lettre ToutEduc

Nos formules d'abonnement →