Comment la relation parents - enseignants a très rapidement évolué (APEL - IPSOS)
Paru dans Scolaire le mercredi 15 novembre 2023.
"92 % des parents pensent que parents et école doivent coopérer étroitement pour l’éducation de leurs enfants." C'est l'un des éléments d'une enquête IPSOS pour l'APEL (les parents d'élèves de l'enseignement catholique) sur le thème "perceptions et attentes des parents d'enfants scolarisés dans l'enseignement catholique". Le débat qui en a accompagné la présentation, ce 15 novembre, a montré qu'une telle quasi unanimité doit être sérieusement nuancée. Catherine Becchetti-Bizot, la médiatrice de l'Education nationale note qu'avec la crise sanitaire, les parents "se sont habitués à avoir une relation directe avec l'enseignant" et, dès lors, s'est développée l'exigence d'avoir "une réponse immédiate" à leurs mails. Peut-être du fait de la place prise au lycée par la formation continue, les notes sont devenues un motif de contestation et de demande de médiation.
Un responsable diocésain de l'enseignement catholique souligne, lui aussi, la rapidité des évolutions de la société civile. En 4 ou 5 ans, un fossé s'est creusé entre des enseignants "qui se positionnent comme des sachants" mais qui méconnaissent la société et des parents qui maîtrisent plus ou moins les codes de la communication par courriels quand ils "exigent des explications". Il ajoute que l'institution "ment aux familles". On leur dit que si leur enfant travaille, il aura son "voeu n°1" à Parcoursup. Elles font donc l'expérience de la déception.
Comment dès lors rapprocher les points de vue, passer d'un point de vue individuel, le suivi de leur enfant, à la prise en compte par les parents de l'intérêt collectif et de leur rôle dans la communauté éducative ? Certainement pas en convoquant les parents "tel jour telle heure" sans explications et sans prise en compte de leurs contraintes professionnelles, ni en leur opposant un règlement intérieur qu'ils ont signé sans avoir eu leur mot à dire, ou, dans l'enseignement privé, le contrat qu'ils ont passé en payant les droits d'inscription. S'il n'est sans doute pas possible de les réécrire chaque année, ces documents peuvent au moins être présentés aux familles et leurs observations ou interrogations prises en compte.
Laurence Weerts, coordinatrice du "Pacte pour un enseignement d'excellence" qui est en train de se mettre en place en Belgique francophone, explique que le nombre des réunions obligatoires avec les parents y a été augmenté, mais que, pour éviter que ceux-ci ne respectent pas la place de l'enseignant, un outil informatique encadre et formalise leurs demandes. Les premiers effets seraient positifs.
L'étude d'IPSOS montre que viennent en tête des préoccupations des parents le bien-être et la sécurité de leurs enfants, et qu'ils sont très inquiets des risques de harcèlement. Elle montre aussi, s'agissant des parents de l'enseignement catholique, qu'un peu plus de la moitié d'entre eux (53 %) sont "acteurs" et considèrent que leur implication dans la scolarité de leurs enfants est "la principale clé de réussite". L'enquête distingue parmi eux 23 % de parents qui ont des "attentes extrêmement fortes" et qui ont choisi le privé sous contrat pour des questions d'encadrement et de niveau scolaire, pas nécessairement pour l'enseignement religieux, contrairement aux 20 % de "conservateurs impliqués" pour qui "l'enseignement religieux et la tradition sont particulièrement importants". Sont également acteurs 10 % de parents qui ont choisi le privé parce qu'ils étaient "déçus du public".
L'IPSOS estime à 47 % le pourcentage des parents "consommateurs", qui délèguent à l'établissement la responsabilité de la réussite de leur enfant. Parmi eux, 20 % de "conservateurs modérément impliqués", qui ont choisi le privé "par tradition", 11 % de "désimpliqués" et 16 % de "modérément impliqués".